A la broche et au gril, mais aussi en direct devant le client: c’est le nouveau concept du 57°, l’adresse lacustre relookée qui vient de rouvrir.
On a connu le Château d’Ouchy sous des identités diverses, depuis l’époque héroïque où il abritait un dancing censément coquin. Dernier avatar connu, la brasserie chic avec sa terrasse interminable ouverte sur le lac, ses poissons, son nappage blanc et son service chic. Exit la brasserie. L’hôtel-restaurant de la place du Port est l’un des établissements de la Fondation Sandoz, une raison de plus pour se renouveler et se distinguer de ses voisins. Le groupe administrant déjà des adresses japonaise (Miyako), italienne (L’Accademia), gastronomique (la table d’Anne-Sophie Pic) et une brasserie (le Café Beau-Rivage, qui vient également de refaire son décor), le tout dans un mouchoir de poche, il s’agissait dès lors de «viser juste pour ne pas se tirer une balle dans le pied». C’est en substance le constat du chef exécutif Didier Schneiter, qui supervise sept des adresses du groupe, pour quelque 800 couverts quotidiens.
Viser juste? Il manquait à Ouchy un gril américain – une rôtisserie, si l’on préfère –, mais doté d’une identité forte. C’est le pari de Philippe Chevrier à Genève notamment, avec son steakhouse ne craignant pas de dégainer des côtes de bœuf de plus d’un kilo. Après quatre mois de travaux, le 57° vient ainsi de rouvrir. Il transpose donc le concept du gril à l’américaine (l’orthographe devenant elle aussi franglaise avec son Grill). Rôtisserie avec des produits de qualité et en mode live cooking, traduisez cuisine ouverte, donnant sur un bar tout en longueur avec ses tabourets hauts, du bois, de la pierre, une ventilation redoutable, sur fond bleu pétant. Bleu grec ou peut-être bleu Klein, hautement instagramable, quoi qu’il en soit.
Au fait, pourquoi 57°? C’est la température à cœur signalant une cuisson parfaite du bœuf, expliquent les pros. Mais encore? La carte hésite entre la côte de bœuf dite Tomahawk pour sa forme suggestive et le T-Bone Angus suisse, le cœur de bœuf des alpages ou le charolais du Salève, le chateaubriand irlandais Hereford et le filet de bœuf suisse des alpages. Du bœuf de haut vol et pour vrais amateurs, décliné avec salade, purées ou frites, et surtout une ronde de petites sauces impeccables (poivre de Sarawak, beurre du Château, BBQ, béarnaise ou teriyaki). Au bœuf saisi, cru en tartare ou en carpaccio s’ajoutent l’agneau de lait bio valaisan et le veau fermier suisse de même qualité, mais aussi de somptueux poulets fermiers bios des Alpes servis avec un petit jus corsé comme on n’en fait plus.
Au vu de la croissance effrénée du nombre d’abstinents et de flexitariens (un tiers des Suisses réduisent ou renoncent à la viande, selon la dernière étude Swissveg), le concept pourrait paraître un brin à contre-courant. Oui et non, nuance Didier Schneiter, pour qui la consommation décline certes en termes de quantité, mais pas de qualité. Et puis le chef Sébastien Rauch propose aussi, à l’attention des flexitariens et des autres, un coin axé sur la santé et le végétal: salade de quinoa avocat, grenade et un burger végétarien, avec tartare d’aubergine et piquillos, sans oublier les filets de perche du pêcheur d’Ouchy Serge Guidoux. La carte parvient ainsi à être fédératrice. Le tout à des prix logiquement très costauds, pour ne pas dire king size, à la mesure des pièces de viande.
(Véronique Zbinden)