C’est le fruit d’une heureuse reconversion en pleine pandémie. Des tablettes sous le signe du voyage et d’autres projets bien sourcés et troussés.
Pérou, Colombie, République dominicaine, Tanzanie. Quatre destinations lointaines pour quatre fèves de pure origine. C’est dans un atelier sur deux niveaux, baigné de lumière et d’arômes toastés, du quartier industriel des Acacias, à Genève, que s’ébauchent ces histoires gourmandes. Nichée à l’extrémité d’un labyrinthe de couloirs et de portes numérotées, la manufacture de chocolat bean to bar imaginée par deux amis a à peine plus d’un an. Dire qu’elle est l’heureux fruit du hasard?
Petit flashback. Emile Germiquet est né en Afrique du Sud dans une famille aux origines mariant le Jura bernois et le Mozambique; la famille quitte le continent durant ses années les plus troublées et le jeune homme se retrouve à 18 ans en Europe, avec une sacrée nostalgie des rivages d’Afrique australe; il étudie ensuite entre Limoges et Paris, avant d’atterrir dans une banque genevoise. Passionné de photo et de grands espaces, il ne tarde pas à créer sa petite agence qui propose des voyages personnalisés et autres safaris. Jusqu’à l’irruption du covid, qui met ses activités en mode pause.
Emile est en contact avec Caroline et François-Xavier, les cofondateurs d’Orfève, et, faut-il le préciser, un amateur fou de chocolat… Un coin de la cuisine familiale abrite alors ses premiers essais, les tout premiers crus chocolatés autour d’un torréfacteur de café bricolé, d’une mélangeuse customisée. C’est ici qu’intervient le deuxième larron de l’histoire, Alain Chanson. Comme pour organiser la créativité d’Emile, «son côté savant fou». Des deux amis, Alain est le plus ordonné; passé par un apprentissage de menuiserie ébénisterie, avant de travailler dans l’aménagement intérieur, il est fasciné par le goût et les odeurs, l’univers de la parfumerie. Le duo de choc est né: il se nommera Carrack (caraque en français), du nom des vaisseaux qu’empruntèrent les Portugais et les Espagnols pour leurs explorations au temps des grandes découvertes.
Car c’est bien un projet de voyage un peu fou, une voie faite de tâtonnements et d’inconnues, semée d’écueils que les deux amis autodidactes ont choisi d’embrasser. Se lancer dans le chocolat bean to bar quand on est trop petits pour s’offrir les machines de l’industrie reste une expérience compliquée: trouver le point de température idéal pour une torréfaction optimale, le temps de conchage-brassage pour parvenir à la bonne texture tout en préservant la complexité aromatique. Une histoire qui s’élabore à la manière des grands parfums.
Carrack propose aujourd’hui une mini-collection de quatre origines très typées, auxquelles s’ajoutent deux variantes au lait. Un minimum de sucre, zéro additifs, ni lécithine ni vanille. Emile et Alain privilégient le travail en direct avec des coopératives ou des entreprises sociales et ne rêvent désormais que de pouvoir aller sur place et rencontrer de petits producteurs qui leur ressemblent, dès lors que les voyages sont à nouveau possibles. Et comme ils sont portés par une belle imagination, ils ont baptisé de noms poétiques leurs créations – Aficiao, qui signifie fou d’amour en République dominicaine, ou Ekeko, lieu d’abondance au Pérou. Le graphisme est de même magnifique, promesse d’une belle complexité aromatique; les deux compères viennent d’y ajouter une crème à tartiner, des amandes de Sicile et des noisettes du Piémont. Mais encore? L’ouverture d’une boutique en ville et plusieurs ateliers pour faire connaissance.
(Véronique Zbinden)