Elue meilleure commise au Bocuse d’Or Europe en 2010, la jeune cheffe de partie a remporté le Grand Prix Joseph Favre. Portrait d’une perfectionniste qui aime son coin de terre et les choses simples.
Nous la rencontrons en fin d’année à l’Hôtel des Trois Couronnes, à Vevey (VD), où elle est cheffe de partie dans la brigade de Lionel Rodriguez. Les fêtes approchent, avec son lot de banquets, mais Cécile Panchaud affiche un air serein. Habituée des concours, et véritable star du Grand Prix Joseph Favre dont elle a remporté la deuxième édition le 25 novembre dernier, elle n’a pas peur de travailler. «Après ma victoire à Martigny, j’ai eu mon lundi, et puis j’ai repris le lendemain», dit-elle en commandant un grand café au lait. Près d’un mois après son sacre, loin d’être diminuée par son rythme effréné, elle revit la compétition avec intensité en narrant sa performance, comme si elle était encore dans son box. «Pour mon dessert – une mousse avec pomme crue en brunoise, crumble à la châtaigne et vermicelles maison –, j’avais prévu une tuile. Mais je n’ai pas eu le temps de la préparer et j’aurais peut-être gagné quelques points de plus si j’avais pu ajouter cette touche croustillante», confie la Vaudoise de 26 ans.
Perfectionniste? Sans doute possible, et encore le terme sonne comme un euphémisme. Il faut dire que Cécile Panchaud s’est embarquée dans l’aventure du Grand Prix Joseph Favre avec la volonté de chasser de son esprit sa «contre-performance» au Prix culinaire Taittinger, où elle s’est classée troisième en septembre. «Mes créations manquaient de goût, ce qui m’a encouragée à me concentrer sur cet aspect en vue du concours à Martigny. Travaillée entière, ma selle de chevreuil habillée en croûte a, je crois, remporté un franc succès auprès du jury», explique-t-elle. Une impression confirmée par Franck Giovannini lui-même, interrogé dans la foulée de la cérémonie de remise des prix, et qui évoquait «le triomphe du goût et de la gourmandise» au sujet de Cécile Planchaud (voir HGH n°33/2018).
Franck Giovannini, justement. C’est avec lui qu’elle a vécu une mémorable campagne du Bocuse d’Or en 2010-11, remportant au passage le titre de meilleure commise européenne, avant de livrer une prestation solide à Lyon où le futur patron du Restaurant de l’Hôtel de Ville de Crissier s’est classé au sixième rang pour sa seconde participation. A l’époque, Cécile Panchaud est en troisième année d’apprentissage à l’Ecole professionnelle de Montreux (EPM), où elle est la première cuisinière à effectuer toute sa formation initiale, et elle s’investit totalement dans l’aventure, à tel point qu’elle est engagée par la suite à Crissier où elle travaillera deux ans. La compétition? «J’ai toujours adoré, et, en tant qu’apprentie à l’EPM, j’ai eu la chance de participer à de nombreux concours», se souvient-elle. En 2009, elle est ainsi sacrée coup sur coup meilleure apprentie cuisinière du canton de Vaud, de Suisse romande et du Tessin et de Suisse, un sans-faute qui n’échappe pas à Franck Giovannini, alors à la recherche d’un(e) commis(e) suffisamment jeune pour effectuer à ses côtés toutes les épreuves du Bocuse d’Or, la limite d’âge étant fixée à 22 ans. Et si en 2011 la Scandinavie truste le podium – c’est l’année de la consécration pour le Danois Rasmus Kofoed, d’ailleurs membre du jury à Martigny – et laisse peu de chances à la France (4e) et à la Suisse (6e) de s’imposer, l’expérience n’en demeure pas moins passionnante et enrichissante. «J’ai appris à gérer le stress et je suis aujourd’hui à l’aise dans toutes les situations.»
Très concentrée quand elle œuvre dans son box, Cécile Panchaud fait preuve de la même détermination loin des cuisines. Ses proches connaissent et apprécient son caractère bien trempé, et son côté très structuré – «à la maison, j’aime que tout soit bien rangé!» Pour avoir grandi en pleine nature, du côté de Ollon (VD), elle reste très attachée à son coin de terre. Les voyages, d’ailleurs, sont surtout pour elle une manière de se réjouir de... rentrer à la maison! Quand on lui demande quelles sont ses destinations de prédilection, aucune hésitation dans sa voix: les montagnes, le Tessin et la Suisse alémanique, sans oublier l’arc lémanique. L’étranger? Elle prévoit un séjour à Alicante ce printemps et a déjà planifié son voyage de noces en Corse, mais la Suisse garde sa préférence.
Quant à sa vocation, elle remonte à ses jeunes années. Enfant déjà, elle cuisinait avec sa mère et arpentait la ferme et les vergers de ses grands-parents, où elle courait après les poules et cueillait les cerises et les petits fruits. «J’étais manuelle et le peu d’intérêt que je portais aux matières scolaires m’a fait comprendre très vite que je ne suivrais pas la voie académique. J’aurais pu me lancer dans le dessin, que je pratique toujours un peu, en croquant notamment des animaux, mais la cuisine s’est imposée comme une évidence une fois que je suis allée aux portes ouvertes de l’EPM.»
Grâce à son expérience des concours, et celle liée à son passage au Restaurant de l’Hôtel de Ville de Crissier, elle a rejoint dès 2012 l’équipe de Lionel Rodriguez. La différence entre les deux maisons? «Aux Trois Couronnes, nous réalisons plus de plats à la carte, mais les techniques apprises à Crissier – comme lorsque nous déplumions les oiseaux dont la peau est très fragile – me sont encore aujourd’hui très utiles.» Reste qu’elle garde un goût pour les plats simples: «Chez moi, j’aime préparer un gâteau au fromage avec une pâte maison, trois œufs, du lait et un bout de fromage. Ou alors confectionner un plat de saison après un passage chez les parents maraîchers de mes amies. Un délice!»
(Patrick Claudet)