Un talentueux duo français reprend La Table d’Edgard, renommée La Table: côté cuisine, Franck Pelux, côté salle, Sarah Benahmed.
Au cours de sa saison à Top Chef, en 2017, il avait conquis une armada d’admirateurs et d’inconditionnels, déçus par sa défaite en finale… Ce n’est toutefois pas l’émission phare de M6 qui a convaincu Ivan Rivier, directeur général du Lausanne Palace, de rencontrer, puis d’engager Franck Pelux et Sarah Benahmed à la veille du départ d’Edgard Bovier. D’abord, parce que l’hôtelier n’est pas un grand fan de la cuisine spectacle, ensuite parce c’est un contact commun qui les a mis en relation. Enfin et surtout parce que le coup de cœur a été réciproque: «A travers sa gastronomie contemporaine, Franck convie à une pure expérience: c’est un vrai voyage en salle», relève Ivan Rivier. Autre argument fort, «le duo que forment Franck Pelux et Sarah Benahmed à la ville comme à la (s)cène casse véritablement la barrière entre salle et cuisine et remet en lumière le rôle essentiel de l’accueil».
Les autres enseignes du Lausanne Palace restent inchangées à peu de choses près, au lendemain du confinement et après le départ de celui qui en fut le chef exécutif durant quinze ans. Seul le Côté Jardin, fermé récemment, vient de rouvrir avec sa terrasse à l’atmosphère méditerranéenne et une nouvelle formule: le buffet est désormais 100% végétal – pour ne pas dire végane –, alors que la carte, omnivore, propose une belle cuisine italienne bourgeoise.
La Table d’Edgard a été sobrement renommée La Table avec nouveau logo, nouvelle vaisselle pour un décor tout juste rafraîchi. La vue somptueuse sur les Alpes et le lac demeure, évidemment, mais le changement de style est en revanche assez radical dans les assiettes.
«L’expérience», alors? Elle commence par un premier tableau mi-classique mi-local avec quelques bouchées inspirées par le terroir helvétique et les racines bourguignonnes du chef: gougère L’Etivaz et chasselas, œuf en meurette revisité avec un sabayon de pinot noir local ou feuilleté associant l’anguille fumée et la gelée de betterave. Après quoi, le voyage se fait plus lointain, avec une réminiscence des séjours à Pékin ou Singapour du chef: mini pain vapeur façon bao farci de poireau et son consommé-dashi végétal concentré. On revient en Méditerranée avec un filet de thon rouge préparé comme un tartare, dessus caramélisé et assaisonné de soja, dessous posé sur une mini-tranche de pastèque rôtie, sauce soyeuse. Ou avec ce pavé de cabillaud élégamment paré d’écailles de courgette, écume de basilic et sorbet tomate verte. A moins d’opter pour la remarquable volaille gruérienne en feuille de blette, vinaigrette chaude. Le dessert, moins convaincant, associe l’acidulé de la pomme verte et le moelleux d’un imposant dôme de crème vanille.
La cuisine de Franck Pelux demeure ainsi d’essence classique, avec sa technique manifeste, quelques incursions plus asiatiques que méridionales, en rupture avec le style Bovier. L’accueil à La Table se veut lui plus cool et décomplexé que dans la plupart des palaces. Aussi pro que charmant, le service de Sarah Benahmed lui a notamment valu le prix de l’accueil et du service décerné par le guide Michelin en 2019, alors que le duo officiait à Strasbourg. Autre petite révolution à cet égard, le service a changé de look, arborant une sobre et chic tenue noire et… des baskets. Sauf les filles, toujours en talons pour l’instant, mais «la réflexion est en cours», précise Ivan Rivier.
Pour revenir sur leur beau parcours, Franck Pelux, 32 ans, et Sarah Benahmed, 29 ans, étaient à la tête du Crocodile entre 2018 et juin 2019, adresse alsacienne mythique auréolée d’une étoile Michelin, et se sont vu décerner le titre de meilleure table gastronomique du monde par le site Tripadvisor.
Auparavant, ce fils de restaurateurs d’Autun, en Saône-et-Loire, a notamment travaillé en Chine comme chef exécutif d’un palace de Beijing, après plusieurs expériences auprès de tables prestigieuses, d’Arnaud Donckele (la Vague d’Or, Saint-Tropez) à Yannick Alléno (1947, Courchevel). L’expérience et la notoriété du finaliste de Top Chef lui vaudront de se voir confier le piano du Crocodile, à Strasbourg, Quant à Sarah, originaire de Tain-l’Hermitage, dans la Drôme, elle a également un beau parcours auprès des mêmes trois-étoilés de St-Tropez et Courchevel (son premier poste en tant que directrice de salle), Singapour, Pékin et Strasbourg.
(Véronique Zbinden)