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Cinéma et télévision: les nouveaux partenaires de l’économie valaisanne

Grâce à la Valais Film Commission, le canton attire les tournages, comme le prouve le nouveau film de Dominik Locher.

  • Le tournage de la série Log-out, réalisée par Luc Walpoth et Louis Farge, et coproduite par Akka Films, RTS et TF1, s’est déroulé l’an dernier en Valais. (Claude Dussez/Valais Film Commission)
  • Verbier est l’un des décors principaux du film «Enjoy Your Stay», de Dominik Locher. (Suisse tourisme)

  • L’équipe de la série «Log-out» en tournage à Sion. (Claude Dussez/VFC)
  • Dominik Locher et Mercedes Cabral entre deux prises. (Joëlle Bertossa)

Gare de Martigny, extérieur, jour. Devant le bâtiment principal, puis dans le passage sous-voie, une équipe de tournage s’active. Une cinquantaine de personnes, bien emmitouflées malgré le soleil, s’affairent à leur poste. Entre chaque prise, elles procèdent à quelques ajustements pour que tout soit parfait lorsque les deux comédiennes et la trentaine de figurants entrent dans le cadre. Juchée sur son dolly, support de caméra monté sur roues, Jeanne Lapoirie, directrice de la photographie ayant notamment collaboré avec François Ozon, Robin Campillo, Valeria Bruni Tedeschi et Paul Verhoeven, scrute le viseur de sa caméra en mouvement.

Non loin d’elle, Dominik Locher, le réalisateur argovien, suit l’action sur son moniteur, mais reste au plus près de son équipe et de Mercedes Cabral et Ruby Ruiz, ses deux stars philippines. Entre les prises, il échange quelques mots, ajuste un détail, avant d’enchaîner avec la suivante.

Intrigue entre Genève et Verbier

Bienvenue sur le tournage du long-métrage Enjoy Your Stay. Produit par Close Up Films, le film raconte l’histoire de Luz, une sans-papiers philippine qui travaille à Genève et Verbier, où elle nettoie les chalets luxueux de la station pour une entreprise aux pratiques douteuses. Pour échapper à sa situation précaire, elle doit réunir la somme nécessaire au remboursement de sa dette – seul moyen de rejoindre sa fille. Lorsque Dominik Locher l’a approchée, Joëlle Bertossa, la productrice, a été particulièrement sensible à cette problématique sociale. «Il m’a convaincue par son approche sensible, respectueuse et non dogmatique du sujet», explique-t-elle.

A l’origine de cette histoire, coécrite avec Honeylyn Alipio, un fait divers survenu dans une station des Alpes bernoises. Le tournage aurait pu s’y dérouler, mais la création en 2021 de la Valais Film Commission (VFC) a convaincu la société de production genevoise d’opter pour le Valais. Au-delà de l’incitation financière – un remboursement pouvant atteindre 100 000 francs pour les dépenses engagées dans le canton –, la décision s’explique par le rôle clé joué par la VFC en tant que facilitatrice.

«Ses responsables ont été des médiateurs précieux. Ils nous ont mis en relation avec les bonnes personnes et permis d’avancer plus vite, en bonne intelligence avec toutes les parties prenantes», souligne Joëlle Bertossa. De son côté, Dominik Locher évoque le savoir-faire technique local et le réservoir de comédiens, professionnels ou non, qui enrichissent le film d’une authenticité bienvenue.

Hôteliers et restaurateurs, principaux bénéficiaires

Head Commissioner de la VFC, Tristan Albrecht est aussi producteur. Dès 2013, il a participé au groupe d’experts ayant recommandé la création de cet outil de promotion, unique en Suisse romande, et porté sur les fonts baptismaux en 2021. Un engagement qui l’a conduit à prendre en début d’année la coprésidence de la Switzerland Film Commission, faîtière des quatre commissions régionales du cinéma et représentante des autres régions, aux côtés de Lisa Barzaghi, Operations Manager de la Ticino Film Commission – l’autre canton en pointe dans le domaine.

«A l’issue de notre phase pilote de quatre ans, achevée fin 2024, nous constatons que la culture et l’économie ont des intérêts communs», souligne-t-il. Les résultats, il est vrai, sont prometteurs: chaque franc versé aux sociétés de production en a rapporté sept à l’économie valaisanne. Depuis 2021, les productions – dont la plus ambitieuse a été Winter Palace – ont ainsi injecté quatre millions de francs dans l’économie locale. Les premiers bénéficiaires sont les hôteliers, les restaurateurs et les propriétaires de logements de vacances domiciliés en Valais, qui ont capté environ la moitié de cette manne financière. Le reste a bénéficié au secteur de l’audiovisuel, aux entreprises de transport et aux prestataires de services administratifs.

Après avoir démontré la pertinence de son modèle, notamment pour la promotion des paysages alpins, la VFC ambitionne d’élargir son action. La récente création du Studio 13, à Sion, avec deux plateaux de 400 m², des espaces techniques et une salle de projection, témoigne de cette volonté de s’imposer comme un pôle technique. «Le tournage du film d’animation Sauvages (Claude Barras, 2024) dans un hangar de Martigny est à ce titre emblématique», conclut Tristan Albrecht.

(Patrick Claudet)


Dominik Locher : une esthétique au plus proche des corps

De Goliath, son précédent long-métrage, on avait retenu la force de sa narration visuelle, l’usage parcimonieux du dialogue et un montage elliptique qui laissait au spectateur le soin de combler les silences. Le film suivait la transformation physique d’un homme sous stéroïdes, qui cherchait à compenser son impuissance après avoir échoué à protéger sa compagne enceinte. Une approche qui n’était pas sans rappeler Blue My Mind, sorti la même année (2017) et réalisé par Lisa Brühlmann, dont il avait cosigné le scénario. Dans ce film, une adolescente traversait les bouleversements de la puberté à travers une mutation radicale.

Avec Enjoy Your Stay, Dominik Locher prolonge cette exploration du corps comme espace de lutte et de transformation. Cette fois, il s’agit de celui d’une femme de ménage sans-papiers, qui nettoie les chalets de luxe à Verbier. «Ce qui m’intéresse, c’est le combat intérieur entre ambition personnelle et solidarité vis-à-vis des collègues. Une femme qui n’est pas seulement victime, mais qui lutte aussi pour garder le contrôle de sa destinée», dit-il. Inspiré d’un fait divers, le film s’affranchit de la reconstitution documentaire: avec sa coscénariste, il a mené de nombreuses rencontres et recherches pour donner à l’histoire une portée plus large.

L’écriture du film s’est également nourrie de trois voyages aux Philippines. Le premier a permis à Dominik Locher de faire connaissance du mentor de sa coscénariste, le second a été consacré au casting, où il a rencontré Mercedes Cabral, grande figure du cinéma asiatique. Le troisième, enfin, a donné lieu à un tournage complémentaire, dont les images seront intégrées sous forme de fiction dans la fiction.

(Patrick Claudet)