La livraison à domicile et au travail explose. Les nouveaux mots-clés sont transparence, expérience, responsabilité.
L’économie dite du partage a bouleversé les fondamentaux, relève d’emblée Alessandra Roversi, consultante et enseignante en tendances de l’alimentation. La concurrence très forte des privés oblige à un repositionnement. Dans l’hôtellerie, on a ainsi vu émerger des formules nouvelles à l’instar de Jo & Joe, hybride entre hôtel et Airbnb destiné aux jeunes, axé sur l’économie du partage. Un modèle qui supplante les auberges de jeunesse à l’image vieillotte pour proposer à la fois des chambres privées et des appartements, ainsi que des cuisines partagées. A l’origine du premier Jo & Joe, inauguré à Hossegor en décembre, le groupe Accor s’apprête à ouvrir coup sur coup à Budapest, Cracovie et Rio. «Jo & Joe se veut un lieu de vie ouvert à tous, townsters et tripsters, un concentré des tendances à l’œuvre dans la branche: jeune, festif, instagramable, offrant produits locaux, faits maison, prix abordable.»
Dans la restauration, l’offre de privés représente aussi pour les acteurs classiques une concurrence de plus en plus vive, avec des sites comme Eat With qui proposent des repas chez l’habitant, la découverte d’une ville à travers ses adresses gourmandes et autres expériences culinaires.
Autre axe fort, la livraison à domicile ou sur le lieu de travail correspond à une demande croissante. «Voici quelques années encore, on avait tout juste le choix entre de mauvaises pizzas et des sushis, aujourd’hui, la gamme semble infinie», relève Alessandra Roversi. Smood, un des gros acteurs de ce marché, a notamment créé un espace destiné aux bureaux proposant des solutions au sein de groupes aux goûts divers, pâtes pour l’un, salade pour l’autre, etc.
Le soir, la clientèle citadine a le choix entre de multiples formules, ayant plus de temps à disposition: la demande est alors axée sur «l’expérience». Curries ou pad thai, bagel, salades de quinoa et menus sains, sushis ou burgers, gyozas ou boulettes tibétaines, plats végétariens ou non, frais ou à réchauffer. Les restaurants offrant un service de livraison ne sont pour l’heure que 5% environ, selon Gastrosuisse, mais le boom ne fait que commencer. «C’est une tendance grandissante et une concurrence à laquelle le secteur doit se préparer», note Alessandra Roversi. Plusieurs plateformes proposent aussi bien la livraison de produits frais que de plats cuisinés ou de tous les ingrédients nécessaires à réaliser une recette. Parmi ces entreprises, on peut citer Farmy.ch, Hellofresh ou Beyondfood travaillant selon des modalités diverses. Sans oublier les nouveaux acteurs qui devraient arriver bientôt en Suisse, tel Amazon Fresh, un des acteurs-clés de la livraison de plats aux Etats-Unis, qui prend pied en France.
Autre observateur des tendances, le Sirha a résumé les attentes du consommateur par une série de mots-clés: conscience et responsabilité, notions recouvrant le souci de durabilité et de traçabilité, l’attention grandissante à l’environnement et la moindre consommation de viande qui en découle. La territorialité est un autre concept-clé, autrement dit le désir de consommer local, fait maison ou artisanal, les circuits courts, les achats en direct.
L’expérience reste un mot-clé aux dires de tous les observateurs: un besoin de personnalisation et de partage, de convivialité, de décor, d’atmosphère et de cuisine, le storytelling. C’est particulièrement vrai en soirée alors qu’à midi, la clientèle est avant tout soucieuse d’efficacité et de rapidité.
Par aileurs, une récente étude de Swissveg confirme la formidable vague verte: 14% des Suisses se disent végétariens (11 %) ou véganes (3 %) – auxquels s’ajoutent désormais 17 % de «flexitariens», autrement dit de consommateurs désireux de diminuer la part carnée de leur alimentation. La courbe est plus marquée encore parmi la jeune génération, 6 % des 15-34 ans étant véganes. L’étude souligne l’essor de ce mode d’alimentation qui serait encore loin d’avoir atteint son apogée.
On est très loin des années 80 et le mot d’ordre général pourrait être less is better, moins mais mieux, souligne Alessandra Roversi, qu’il s’agisse de viande, de kilomètres, de gluten, de colorants, d’additifs ou d’intrants dans l’agriculture, moins ou pas de sulfites dans les vins.
En termes de boissons, la mixologie est toujours très tendance, notamment dans ses versions non alcoolisées avec les mocktails et on voit apparaître des bars à cocktails bio. Autre tendance intéressante, les accords avec des mets ou pairing prennent des formes multiples: après les bières et les thés, les infusions, jus et eaux de légumes, d’herbes ou de fruits.
Enfin, à l’étranger, les nouvelles destinations gastronomiques sont avant tout les métropoles: la Thaïlande, Singapour, et après le Pérou (à noter que Gaston Acurio vient tout juste d’ouvrir le Yakumanka à Genève, au Mandarin Oriental), le Mexique, la Colombie et le Brésil. Mais encore? Les pays du Nord toujours et pour ce qui est des régions particulièrement dynamiques, la Scanie, les Asturies et le Pays basque.
(Véronique Zbinden)