Distingué par un troisième macaron, le chef parisien Kei Kobayashi concocte un menu signature pour le Mandarin Oriental Geneva.
Comment est née la collaboration avec l’hôtel du quai Turrettini, à Genève?J’ai eu la chance de pouvoir cuisiner avec le chef Cédric D’Ambrosio à Marrakech; nous nous connaissions déjà et, pendant le confinement, nous avons voulu rester actifs et proposer quelque chose de positif, d’inspirant. Nous avons donc pensé à élaborer une offre gastronomique à l’emporter destinée aux gourmets de Genève et clients du Mandarin Oriental Geneva. Je suis ravi de collaborer à nouveau avec Cédric et de proposer ce menu à une clientèle qui ne peut pour l’instant pas venir dans mon restaurant en raison des restrictions de déplacement et des quarantaines imposées aux voyageurs.
La vente à l’emporter est-elle une des recettes pour traverser et survivre à la crise?
Oui et non. Je pense que la vente à l’emporter est une vraie solution pour nous aider à surmonter notre peur du Covid-19, c’est une offre parfaite pour donner l’occasion aux gens de continuer à se régaler, se faire plaisir et voyager, tout en restant en sécurité à la maison. Mais il s’agit forcément d’une expérience différente de celle que vous auriez dans un restaurant. Je pense que les deux sont complémentaires et peuvent apporter du plaisir.
Que dit ce déjeuner de vous et de votre cuisine?
L’idée de ce menu, qui doit être adapté à une consommation en livraison, m’est venue d’un souvenir que j’avais du Japon. Mon meilleur repas avait été un plat à l’emporter chirashi et c’est ce que j’ai voulu proposer aux Genevois. Il a l’avantage d’avoir beaucoup de goût, même s’il n’est pas consommé immédiatement. J’espère créer ce même souvenir pour les clients, autour de ce chirashi.
Quelle est la part de vos origines française et japonaise, dans votre restaurant à Paris?
Je définirais ma cuisine comme construite à partir des bases de la cuisine française, mais réalisée avec la sensibilité d’un chef japonais, une approche très pure et toujours dans la recherche de la précision. Les techniques sont françaises, les ingrédients sont les meilleurs de ce que je trouve dans le monde entier et la sensibilité est japonaise.
L’art joue-t-il aussi un rôle important dans vos créations?
Tout à fait. La gastronomie cherche à créer des émotions, tout comme l’art. Dans notre quotidien, nous cherchons souvent à faire vite, à être efficaces pour nous nourrir, mais la gastronomie demande du temps pour pouvoir être appréciée, pour la maîtriser et la comprendre, comme le nécessite un tableau. Pour partager une émotion ou un plaisir à travers un plat, le chef doit s’élever et interpréter ce qui donne selon lui du plaisir. C’est définitivement ce qui fait l’essence de l’art, selon moi.
Comment avez-vous vécu cette période compliquée, peu après avoir obtenu votre fameuse troisième étoile au dernier guide Michelin France?
Depuis que nous avons eu notre troisième étoile, cela s’est traduit par beaucoup de travail avec beaucoup de réservations et des services complets. Bien sûr, la crise du Covid-19 a été un choc, mais pour essayer de trouver un côté positif, me concernant, cela a aussi été l’occasion de faire une pause et de prendre du recul après 27 années de cuisine intenses. Que doit être le restaurant Kei 3* demain? J’en ai profité pour revoir de A à Z tous les ingrédients que j’utilise pour les goûter à nouveau, me reposer la question de comment et pourquoi je les utilise. C’est comme cela que j’ai voulu mettre à profit cette période compliquée pour rouvrir dans de bonnes conditions.
Et comment se porte la restauration à Paris, ces temps? Les clients ont-ils malgré tout envie de revenir?
C’est assez compliqué pour tout le monde, les touristes ne sont plus là et les repas d’affaires non plus. Avant la crise, ma clientèle était à peu près française à 60% et étrangère à 40%, donc cela a forcément eu un impact. Grâce à la troisième étoile et nos efforts combinés, nous nous en sortons assez bien depuis la réouverture, avec une clientèle locale plus importante et en ayant la chance d’attirer aussi des clients de nationalité étrangère, qui sont installés en France. Nous avons tous dû nous adapter.
(propos recueillis par Véronique Zbinden)