L’Amarone est un vin italien élaboré exclusivement à partir des variétés de raisin rouge autochtones Corvina, Corvina Veronese, Rondinella, Molinara et Oseleta, et il n’est produit que dans la région Valpolicella Classico (située au nord de Vérone et à l’est du lac de Garde) en Vénétie.
Un rien snobé par les Italiens, qui lui préfèrent les grands vins rouges secs que sont le Barolo ou le Brunello, l’Amarone est exporté à près des deux tiers de sa production, qui n’a cessé de croître ces dix dernières années. La Suisse est le 2e marché à l’export (11%), à égalité avec les Etats-Unis, derrière l’Allemagne (18%).
Ce vin rouge capiteux, souvent trop alcoolisé (jusqu’à 17%!), trop riche en sucre (10 g/litre), trop lourd pour accompagner un repas, est menacé sur son propre terrain, la Valpolicella, par un sous-produit dérivé, le Ripasso, moins riche et moins… cher.
A la clé du succès de l’Amarone, dans une région montagneuse et pluvieuse de la Vénétie, qui a débordé sur les plaines des environs de Vérone, une forme d’enrichissement du raisin: l’appassimento, ou le passerillage des grappes des cépages locaux, corvina, corvinone et rondinella.
Ce procédé permet de renforcer la teneur en sucre, et de modifier le goût, de nombreux raisins: après la Vénétie, les Pouilles, la Sicile et même la Suisse (notamment pour certains merlots du Tessin) s’y mettent. Dans un marché sous tension économique, les acteurs vitivinicoles ne sont pas unanimes: d’un côté, un Consorzio de tutelle, et en parallèle, une association de treize producteurs, les Le Famiglie dell’Amarone d’Arte, dont certains sont très connus en Suisse, comme Allegrini, Tedeschi, Masi, Speri ou Zenato. A la veille de la mise en marché d’un millésime (le 2014), l’Amarone – miracle de la viticulture transalpine de ces cinquante dernières années, véritable poule aux œufs d’or – est menacé. A l’occasion de la présentation officielle du millésime 2013, Pierre Thomas est allé en déguster à Vérone, où il a rencontré plusieurs producteurs et d’où il ramène ses impressions.