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Le Bocuse d’Or entre «laboratoire de la cuisine mondiale» et compétition de (très) haut niveau

Désormais placé sous la présidence de Jérôme Bocuse, le plus célèbre concours culinaire attise les convoitises et devient un enjeu majeur pour un nombre croissant de nations.

Le finaliste suisse Filipe Fonseca Pinheiro (à dr.) avec son commis Nicolas Marijanović (2e de la g.), son coach Jean-Michel Martin (à g.) et le président du jury suisse Armin Fuchs (3e de la g.)le fotographe

On savait les pays scandinaves très attachés au Bocuse d’Or, eux dont les représentants bénéficient souvent d’un important soutien financier et de conditions particulièrement attrayantes pour préparer l’épreuve, avec à la clé un palmarès inégalé de sept Bocuse d’Or (dont cinq rien que pour la Norvège), neuf Bocuse d’Argent et quatre Bocuse de Bronze. On sait aujourd’hui que l’hégémonie nordique, certes nuancée par les 10 médailles de la France (dont sept en or), est menacée par l’émergence d’une nouvelle génération de chefs et de nations qui élèvent le concours créé il y a tout juste 30 ans par Paul Bocuse au rang de priorité absolue.

Plusieurs enseignements

En mai dernier, lors de la Sélection européenne à Budapest, la Hongrie avait affiché clairement ses ambitions en remportant le concours devant la Norvège et la Suède. Coachée par le Danois Rasmus Kofoed, le seul cuisinier à avoir remporté le bronze (2005) et l’argent (2007) en plus de l’or (2011), la formation hongroise partait favorite pour la finale de janvier. C’était sans compter sur la détermination des Américains, dont l’équipe accompagnée par Philip Tessier, Bocuse d’Argent 2015, a surclassé ses concurrents en livrant une prestation parfaite à tous les niveaux, du moins si l’on se fie aux points récoltés aussi bien pour l’assiette végétale (668) et le plateau (656) que le travail en cuisine (320).

De cette victoire nette devant la Norvège et l’Islande, dont les supporters auraient pu sans peine remporter le prix du meilleur public grâce à leur célèbre haka repris par les quelque 2500 spectateurs massés dans les gradins, plusieurs enseignements se dégagent. Le premier est directement lié à la gastronomie américaine qui entend désormais jouer dans la cour des grands. Lors de la victoire l’automne dernier à Milan de Mitch Lienhard au concours S.Pellegrino Young Chef, sa coach Dominique Crenn s’était réjouie de ce triomphe qui marquait selon elle «le début d’un héritage culinaire américain». Avec le Bocuse d’Or remporté par Mathew Peters, sous-chef au restaurant triplement étoilé Per Se à New York, la prophétie semble s’accomplir en temps réel.

Pour le plus grand bonheur de l’importante délégation américaine présente au Salon Sirha, scandant «USA» à chaque fois qu’une bannière étoilée s’agitait, et non sans une certaine logique puisque les Etats-Unis ont participé à toutes les éditions du Bocuse d’Or depuis sa création.

«Auparavant, seules quelques nations pouvaient espérer un podium. Aujourd’hui, la compétition est plus ouverte que jamais»
Franck Giovannini, président du Bocuse d’Or suisse

La deuxième leçon porte sur l’attrait grandissant du concours à l’échelle planétaire, qui se mesure aux moyens considérables mis à disposition de nombreuses équipes. Dans le cas des Etats-Unis, certains évoquent un budget dépassant le million de dollars et une présence à Lyon dès novembre dernier pour se consacrer exclusivement à l’élaboration des recettes et aux essais. Face à une débauche pareille de moyens, les plus petites nations auront de plus en plus de peine à rivaliser, notamment la Suisse dont les concurrents continuent de travailler parallèlement aux différentes étapes de sélection et à la préparation de la finale.

Troisième et dernier enseignement, découlant du précédent, le ticket pour le rendez-vous lyonnais risque d’être à l’avenir plus ardu que jamais à décrocher, sans parler même d’une place sur le podium en finale. Bocuse de Bronze en 2007, et classé cinquième en 2011, Franck Giovannini a pu constater, lors de son passage à Lyon le jour où son sous-chef Filipe Fonseca Pinheiro entrait en lice pour défendre les couleurs de la Suisse, que le niveau moyen s’était considérablement élévé. «Autrefois, il y avait une grande marge entre les meilleurs et les moins bons, et seules six ou sept nations pouvaient prétendre à un podium. Aujourd’hui, la compétition est plus ouverte que jamais.»

Dans ce contexte ultraconcurrentiel, comment dès lors analyser la performance du finaliste suisse? Classé au 13e rang, Filipe Fonseca Pinheiro avoue une certaine déception – il visait une place parmi les dix premiers – mais n’a aucun regret: «Tout s’est passé comme prévu, j’ai livré dans les temps avec mon commis Nicolas Marijanović, et, compte tenu des circonstances dans lesquelles j’ai préparé le concours, je tire un bilan positif de l’expérience qui m’a fait mûrir et rendu meilleur.» Tout au plus s’étonne-t-il de la note que le jury cuisine lui a attribuée, en contradiction avec les éloges reçus à Budapest pour la qualité de son travail, guidé par la rigueur irréprochable de la maison où il officie au quotidien.

De son côté, le coach Jean- Michel Martin souligne le rôle primordial joué par Franck Giovannini, jamais avare de conseils et soutien indéfectible, ainsi que celui d’Armin Fuchs, présent pour la septième fois à Lyon, cette année en qualité de membre du jury dégustation après avoir été six fois coach. 

Patrick Claudet

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