Alors qu’une première volée achève sa formation selon le nouveau concept, le Centre professionnel du Littoral neuchâtelois (CPLN) tire un premier bilan. Positif.
Ils s’appellent Emilie, João, Gaëtan, Fabio, Adryan ou encore Antonio, ils sont au nombre de dix-huit et sont sur le point de décrocher leur attestation fédérale de formation professionnelle (AFP) d’employé ou d’employée en cuisine. A priori, rien ne les distingue des autres jeunes qui suivent partout en Suisse ce cursus de deux ans qui leur ouvrira les portes de l’hôtellerie-restauration, voire les encouragera à enchaîner avec un CFC. Mais ces professionnels neuchâtelois en devenir participent à une aventure unique dans le cadre du CPLN, où ils suivent un jour par semaine une formation théorique qui s’inscrit en complément de leur formation pratique en entreprise, et dont la formule a été entièrement repensée.
Faire de la théorie un objet concret
Avec le soutien d’Yves Pelletier, directeur adjoint, et celui de Michel Bernasconi, responsable de l’enseignement de la culture générale, le CPLN a en effet regroupé tout au long des deux années de cours l’enseignement de la culture générale et celui des branches professionnelles. Concrètement, cela signifie que les professeurs de ces deux domaines – Jean-Joseph Arm pour la culture générale, et Urs Chalupny et Sylvain Paratte (membres de la Société suisse des cuisiniers) pour la technologie culinaire – ont élaboré un programme d’enseignement commun, dispensé en binôme alors qu’auparavant les cours avaient lieu séparément.
L’idée à l’origine de ce projet pilote est d’imaginer les outils pédagogiques permettant l’assimilation de connaissances souvent perçues comme déconnectées de la réalité. «Dans le cadre du programme de culture générale, il est prévu que nous parlions, entre autres, des assurances sociales. Quand on sort de l’école obligatoire et qu’on travaille quatre jours par semaine dans un établissement de l’hôtellerie-restauration, on peine souvent à comprendre l’intérêt de la matière. Grâce au système que nous avons mis en place, les connaissances sont présentées non pas comme un savoir théorique à ingurgiter, mais comme une composante essentielle de la vie professionnelle et personnelle», souligne Jean-Joseph Arm. C’est ainsi que ses collègues enseignant les branches professionnelles et lui ont choisi d’articuler le savoir théorique et pratique autour de grandes thématiques évocatrices, à l’instar de «mon changement de vie» qui évoque à la fois les concepts de sécurité et d’hygiène et l’entrée dans le monde du travail. Une manière de capter tout de suite l’attention et de créer un fil conducteur pendant quatre semestres.
Une approche disruptive
Dans le cadre du dernier bloc de cours qui s’achève ces jours, centré sur les régimes et les fruits, Urs Chalupny et Sylvain Paratte ont demandé à leurs élèves d’élaborer, d’abord en groupe, puis individuellement, un concept de lunch box qu’ils ont présenté le 9 avril.
Une expérience qui a suscité l’enthousiasme des jeunes, selon les commentaires recueillis sur place à l’issue de l’opération. Tous relèvent le défi qu’ont représenté la contrainte du budget (5 francs par boîte) et la difficulté d’attirer l’attention des autres apprentis du CPLN – grâce à qui ils se sont initiés au marketing. Au-delà de ce projet spécifique, Sylvain Paratte souligne la nature disruptive du nouveau cursus: «Il a permis aux enseignants de collaborer plus étroitement, et, détail important, sans support de cours préétabli. Ce sont en effet les jeunes qui l’ont constitué eux-mêmes, ce qui a pu en déstabiliser certains au début, mais qui leur a permis de gagner rapidement en autonomie. Au final, cette nouvelle approche a porté ses fruits, tout en respectant scrupuleusement le plan de formation.»
(Patrick Claudet)