Les acteurs de la promotion des vins de Valais et Vaud se sont activés à fin 2018. Essai de comparaison, au moment où Pierre Keller passe le témoin à Michel Rochat.
Valaisans (moins de 5000 ha de vignes) et Vaudois (3800 ha) ne s’organisent pas de la même manière. En Valais, l’Interprofession de la vigne et du vin (IVV) s’était inspirée, en 2011, de la toute jeune interprofession nationale. Nommé président en mars 2015, Yvan Aymon, consultant en tourisme, chapeaute un directeur, Gérald-Philippe Mabillard, entré en fonction en 2011. Ce dernier, spécialiste en marketing, photographe à ses heures, est un «homme d’image». Son «Art Challenge», qui fait dessiner des étiquettes de vin par des étudiants de trois écoles d’art valaisannes et fribourgeoise, aurait pu être imaginé par… le Vaudois Pierre Keller, ancien patron de l’Ecole cantonale d’art de Lausanne (ECAL).
Les Valaisans sortent volontiers de leur canton: la deuxième édition de cet Art Challenge a dévoilé son palmarès à Fribourg, fin novembre, chez Ben & Léo. Et l’ancien directeur de l’IVV, Pierre Devanthéry, devenu directeur de théâtre à Savièse cet été, avait fait briller hors des frontières valaisannes les «Etoiles du Valais». Pour la 13e fois, leur désignation a eu lieu, mercredi 5 décembre, dans un restaurant et club de jazz bernois. Sept vins de cépages traditionnels et une dôle, en tête de la Sélection des vins du Valais, ont été récompensés. La petite arvine Maître de Chais 2017, de Provins, la plus haute note du concours cantonal, a reçu le titre d’ambassadeur des vins valaisans, désigné par Swiss Wine.
D’ordinaire, le budget de l’IVV dépasse les 3 millions de francs, mais en 2018, il a dû être revu à la baisse, compte tenu de la petite récolte 2017, due au gel. Car les offices de promotion dépendent de la taxe perçue d’une part auprès des viticulteurs valaisans (à raison de 3 ct le mètre carré) et des caves metteuses en marché (3 ct, par kilo de raisin). Les Vaudois sont plus généreux: 6 ct par m2 pour le propriétaire de vigne et 4 ct pour l’encavage. De sorte que l’enveloppe à disposition de l’OVV, qui perçoit ces taxes obligatoires, est de 3,5 millions de francs par an.
La comparaison s’arrête là: les Valaisans disposent d’un organisme, la marque Valais Wallis, au budget annuel de 12 millions de francs, qui a inscrit plusieurs projets en liaison avec le vin à son programme annuel. Leurs voisins ont présenté en décembre la marque Vaud, que le Conseil d’Etat doit définir en 2019, pour une application dès 2020, et ils disposent déjà d’un délégué à l’œnotourisme.
Dans son discours d’adieu, après sept ans à la tête de l’OVV, Pierre Keller, 74 ans, a confié qu’il se serait bien vu le grand patron de toutes les activités autour du vin et des produits du terroir… Il a dû se contenter de faire la promotion des vins, surtout sur les marchés étrangers, au Japon, d’abord, et en Chine, en partenariat avec son ami de toujours, l’horloger Jean-Claude Biver. Pour son successeur, Michel Rochat, 62 ans, directeur général de l’EHL, il s’agira de mettre l’accent sur la Suisse alémanique, et avec l’appui d’un diplômé de l’EHL, Benjamin Gehrig, le jeune directeur de l’OVV.
La structure vaudoise, avec un organe propre, qui dépend tout de même de la Communauté interprofessionnelle du vin vaudois (CIVV), résistera-t-elle au régime des AOP-IGP? Selon le modèle agricole, cette structure multicéphale ne paraît pas incompatible. Reste toutefois à savoir si le chantier des AOP-IGP viticoles, en consultation fédérale jusqu’en mars, avancera avec l’accession d’un autre Vaudois, l’ex-viticulteur Guy Parmelin, au département fédéral de l’économie. Pierre Keller l’avait adoubé, en toute discrétion, en février 2017 «commandeur des vins vaudois», l’ordre qu’il a créé, authentique «poireau» cantonal. Ce «poireau» qui désigne le ruban vert de l’Ordre du Mérite agricole français, est également le nom du légume identitaire des Vaudois, ingrédient essentiel du papet, célébré chaque 24 janvier, en l’honneur de l’indépendance vaudoise.
(Pierre Thomas)