Damien Germanier est le nouvel ambassadeur de la start-up zurichoise Planted, après Nenad Mlina-revic ou Pietro Leemann. Dégustation chez lui à Sion d’un étonnant filet de poulet végétal.
Des pois jaunes, de l’huile de colza et de l’eau. Trois ingrédients sont à l’origine de la dernière-née des viandes végétales, le filet de poulet concocté par la start-up suisse Planted. Trois ingrédients essentiellement locaux et zéro additifs, pour un processus de fabrication qui se veut transparent et une empreinte carbone extrêmement réduite. Décliné en couscous kabyle, samosa croustillant et salade méchouia; en suprême en croûte, façon pithiviers, escorté de champignons de saison, panais et noisettes concassées, ce poulet végétal revisité par Damien Germanier est une divine surprise. Particulièrement en comparaison avec la plupart des substituts véganes disponibles sur le marché. Le chef valaisan étoilé l’a inscrit à sa carte d’automne, au côté des propositions plus attendues d’un resto omnivore, entre le cerf et le faisan, parce que «le produit l’a convaincu, parce qu’il est savoureux et éthique et offre de nombreuses possibilités d’apprêts».
Marié à une végane et confronté à une demande croissante d’alternatives végétales de la part de sa clientèle, Damien Germanier a testé de nombreux succédanés, médiocres souvent, voire épouvantables, avant d’accepter de jouer les ambassadeurs de la start-up zurichoise. «C’est un produit assez délicat à travailler, si l’on entend éviter de le dessécher: il faut soit le mariner, soit le travailler à l’étouffée; rôti ou saisi, le filet risque d’être sec.»
Parmi la cohorte des nouveaux aliments plantbased, rares sont les pièces entières: la start-up zurichoise issue de l’EPFZ a collaboré ici avec le chef berlinois hyper créatif Tim Raue afin de surmonter de nombreux écueils techniques pour parvenir à ce résultat plutôt bluffant. Après les émincés, pulled pork, kebab, schnitzel ou bratwurst, d’autres innovations seraient sur le point de voir le jour dans les laboratoires de Kemptthal, indique le cofondateur Pascal Bieri, à commencer par un vrai-faux steak issu des mêmes ingrédients végétaux. Un des secrets de cette alchimie réussie tient à la phase de fermentation. Là où la plupart des succédanés végétaux industriels pêchent à la fois par leur caractère ultra transformé et par les nombreux additifs qu’ils comportent.
La gamme signée Planted a ainsi convaincu nombre de restaurateurs et entrepreneurs curieux et innovants. Après Tim Raue et Nenad Mlinarevic, un des chefs suisses les plus talentueux (doublement étoilé au Park Hotel de Vitznau, plus récemment à l’origine des formidables Neue Taverne, Bauernschaenke et Neumarkt à Zurich), le Français Alexis Gauthier est un de ses grands fans. Formé auprès d’Alain Ducasse, à Monaco, le chef avignonnais est à l’origine de plusieurs adresses à succès à Londres; sensibilisé à la cause animale par ses lectures, il est devenu végane en 2016, retirant une à une les viandes de sa carte pour centrer sa création sur le végétal. Celui qui s’est fait connaître pour son faux gras ou ses sushis véganes recourt dans plusieurs de ses tables à des substituts végétaux.
Pour Alexis Gauthier, il s’agit de proposer «des alternatives rassurantes, des repères dans lesquels les consommateurs se retrouvent et dont il sont familiers, durant la phase de transition que nous traversons aujourd’hui». Le chef juge essentiel de contribuer à un avenir végétal, dans lequel les alternatives issues des plantes remplaceront l’élevage industriel. Pour Alexis Gauthier en effet, celles-ci ne surpasseront jamais un filet de bœuf wagyu, mais peuvent facilement rivaliser, voire éclipser un chicken burger.
Alexis Gauthier, chef de cuisine
Le Tessinois Pietro Leemann – à l’origine du premier resto végétarien étoilé, à Milan – collabore aussi avec la start-up suisse pour développer de nouveaux aliments qualitatifs. Il les propose toutefois très peu à sa table gastronomique Joia. Mais «tout ce qui contribue à diminuer l’élevage, en particulier intensif, est positif pour la planète», estime Pietro Leemann.
Le chef tessinois rappelle que les premiers substituts végétaux historiques à la viande, tels le tempeh, le seitan ou le tofu, existent depuis des millénaires: il s’agit déjà de concentrés protéiques imitant la consistance de la viande de manière très naturelle grâce à l’extraction de protéines issues de légumineuses, légumes, fruits secs ou graines, voire de céréales dans le cas du seitan.
«A partir de là, de nouveaux succédanés ont été développés plus récemment à partir de protéines végétales, dont certains imitent la viande en recourant à de nombreux éléments chimiques et additifs peu naturels, qui ne sont pas bons pour la santé», explique le chef. La dernière génération de ces viandes végétales issues de très peu d’ingrédients, notamment de petits pois, renoue selon Pietro Leemann avec la voie historique: des ingrédients simples, peu transformés, qui apportent des protéines de qualité et une consistance proche de la chair animale.
(Véronique Zbinden)