Depuis l’inauguration en 1998 de sa boutique à Bougy-Villars, l’enfant de Rolle a développé plus de 130 variétés de chocolat. A la clé: un succès dont l’étendue le force aujourd’hui à déménager.
C’est d’ici à la fin de l’année que Tristan Carbonatto s’installera dans ses nouveaux locaux de Perroy (VD). Là seront réunis dans une nouvelle bâtisse et sous un même toit tous les laboratoires pour l’heure éparpillés aux quatre coins de Bougy-Villars. Au fil des années, l’artisan chocolatier a en effet dû trouver des parades à la relative exiguité de sa boutique historique, inaugurée il y a 19 ans, pour assurer la production de ses spécialités. «Quand je caramélise les noisettes, je ne peux pas produire de chocolat, par exemple. D’où l’obligation que j’ai eu de trouver des lieux de production alternatifs», explique l’entrepreneur vaudois, membre depuis 2010 de l’Association suisse pour le personnel de la boulangerie-pâtisserie et confiserie.
A l’approche des fêtes de Noël, il a ainsi pris l’habitude d’investir l’école, le local du feu, l’auberge communale et plusieurs garages, tout en pouvant compter sur le soutien des Bodzérans pour contribuer à la préparation des commandes. Une configuration qui a certes créé des liens forts au sein de la communauté villageoise, mais qui a contraint la quinzaine de collaborateurs de Tristan Carbonatto à courir dans tous les sens et assurer la coordination de leurs activités par… SMS. A Perroy, il disposera, sur un seul niveau, d’un laboratoire pour chaque opération (torréfaction, caramélisation, montage, enrobage, etc.), ainsi que d’une salle d’emballage, de quoi garantir une efficacité accrue, en particulier lors des périodes chargées.
Une chose, toutefois, ne changera pas à la suite du déménagement: le mode de distribution. Depuis le début, Tristan Carbonatto s’est chargé lui-même de la commercialisation de ses produits, et il n’a pas l’intention d’y renoncer ni de chercher d’autres débouchés. «Nos chocolats doivent être consommés dans les 10 jours, ce qui nous encourage à vouloir continuer à les vendre nous-mêmes. C’est pour la même raison que nous n’avons jamais cherché à collaborer avec l’hôtellerie, dans la mesure où nous n’aurions pas l’assurance que nos produits soient dégustés dans les meilleures conditions.»
Son approche est d’autant plus compréhensible qu’il séduit la clientèle loin à la ronde, et qu’il est parvenu à élever l’escapade gourmande à Bougy-Villars au rang de passage obligé. Beaucoup de ses clients étrangers se rendent chez lui à chaque fois qu’ils viennent en Suisse, même si ce n’est que pour 48 heures, et nombreuses sont les stars à venir se ravitailler auprès de l’artisan chocolatier qui reste discret quant à leur identité et la fréquence de leur passage.
Sans surprise, les raisons de ce succès sont à chercher dans la diversité et la qualité des produits. Aujourd’hui, l’assortiment compte plus de 130 variétés de chocolat, toutes confectionnées de manière artisanale et avec des matières premières de première qualité. «Les nouveautés naissent souvent à la faveur de rencontres qui me font découvrir des produits d’exception, comme les pistaches de Sicile ou les noisettes du Piémont que je vais chercher moi-même.» Il y a aussi les contacts avec les amis pêcheurs, vignerons, paysans et restaurateurs de la région, grâce auxquels il se lance parfois dans de nouvelles créations parce qu’il tombe amoureux de leurs produits, comme par exemple le rhum blanc du chef Olivier Martin de Bogis-Bossey (VD).
Cette curiosité et ce goût des bonnes choses, Tristan Carbonatto l’a depuis toujours. Enfant, il est initié au goût par une famille aux racines italiennes qui prépare la minestrone sur un fourneau à bois, et dont la grand-mère confectionne notamment des aspics maison. Un jour, alors qu’il a 10 ans, il se rend chez le confiseur rollois Boccard pour lui faire goûter le florentin qu’il a préparé lui-même. Ce premier contact qui marque la naissance de sa vocation débouche, quelques années plus tard, sur un apprentissage de confiseur et pâtissier-glacier dans la laboratoire de son mentor. Son parcours l’emmène ensuite chez Chocolats Rohr, à Genève, ainsi qu’au Restaurant de l’Hôtel de Ville de Crissier, où Frédy Girardet l’engage l’année (1993) où Michelin lui accorde ses 3 étoiles. «Je me rappelle du menu que nous avions préparé à Berne pour la sortie du guide, et surtout de la rigueur de ce chef exceptionnel», précise celui qui a attendu de racheter la broyeuse du «maître» avant de se lancer dans la confection de pralinés.
En 1998, après un passage chez Guignard, Tristan Carbonatto se met à son compte pour laisser libre court à sa créativité. Domicilié à Bougy-Villars, il reprend l’atelier du peintre Jacques Walther et le transforme avec l’aide de sa famille, ses amis et ses voisins. S’il propose au début des gâteaux, biscuits, glaces et pièces salées en plus d’une dizaine de sortes de chocolat, il ne tarde pas à se concentrer uniquement sur le chocolat. Une décision qui déçoit dans un premier temps les amateurs de gâteaux (pour qui il crée des pièces en chocolat destinées à décorer la table), mais qui se traduit ensuite par la success story que l’on connaît.
(Patrick Claudet)