Le chef étoilé du Montagne a repris l’Auberge de la Veveyse, à Saint-Légier (VD), après une parenthèse à La Prairie, avec des visées plus bistronomiques.
HGH: David Tarnowski, si vous deviez résumer «votre» Veveyse en quelques mots?
David Tarnowski: Une ambition revue en termes de notations, mais tout aussi goûteuse. Une cuisine plus proche des gens, conviviale et partageuse. Une approche décomplexée et décontractée pour répondre aux envies de clientèles très diverses: ainsi il m’arrive de débarquer avec une bande de copains après le ski, et de leur servir des plats mijotés en cocotte. Mais j’entends aussi la demande d’une clientèle qui veut se faire plaisir avec une petite touche de luxe et propose par exemple, en ce moment, un velouté de cèpes et quelques langoustines snackées, une touche de poivre du Sichuan.
C’est un bistrot chic que vous nous décrivez là?
Je ne vais pas changer les fondements de ma cuisine mais l’axer davantage sur la brasserie – il n’y a plus deux espaces distincts comme du temps de mes prédécesseurs, mais une carte brasserie unique et des plats du jour entre 20 et 22 francs, auxquels s’ajoutent un menu Veveyse à 88 francs et un menu dégustation à 135. Il n’y a plus de barrière entre les styles, mais une approche simple et soignée.
Quid de l’aspect santé, légèreté de votre cuisine?
La parenthèse de la clinique La Prairie a nourri ma réflexion. Nous portons une grande attention à l’aspect santé et à la légèreté de la cuisine. Je ne suis pas allé jusqu’à bannir la viande, mais j’ai notamment mis à la carte un tartare surprise composé de 70% de viande, qui plaît beaucoup. Le tout avec des produits de proximité le plus souvent possible.
L’atmosphère se veut aussi plus décontractée?
Nous sommes trois en cuisine, trois en salle, j’ai la chance d’avoir une super équipe. Le service se fait en tablier de cuir, jean et chemise à carreaux. Pour ma part, je cuisine en chemise à carreau ou T-shirt et tablier bleu, et je passe voir mes clients comme ça, je prends plus de temps pour papoter avec eux, voire m’asseoir avec eux. Je recherche vraiment une convivialité partagée.
On vous avait quitté en 2015 prêt à embrasser une nouvelle vie, engagé par La Prairie en qualité de F&B Manager et chef exécutif. Et vous revoici à la Veveyse. Faux départ ou nostalgie de la gastronomie?
Les responsables de la Prairie cherchaient un nouvel élan. Après une première phase en tant que consultant, j’ai fermé le Montagne en décembre 2015 pour me consacrer à ce nouveau défi. Entre-temps, deux changements de direction en deux ans ont amené l’établissement à revoir les objectifs que nous nous étions fixés. L’idée était de repenser entièrement le concept de restauration en formant le staff à d’autres exigences, mais aussi d’ouvrir le restaurant au public, à terme, avec une carte ambitieuse.
Mais vous n’avez pas pu concrétiser ce projet?
L’ambition était importante, avec les impératifs liés à un établissement de santé. Un énorme travail a été accompli, avec beaucoup de réaménagements techniques, mais, quand j’ai compris que nous n’allions pas ouvrir au public, j’ai préféré abandonner.
Vous quittez donc la Prairie à fin 2016 et vous disparaissez?
J’ai eu besoin d’un peu de temps pour digérer cette expérience. J’ai beaucoup appris, notamment dans le domaine de la diététique, de la cuisine saine et légère, un univers qui m’a toujours intéressé. Mais je n’étais pas sûr de la voie à suivre. A titre personnel, cela m’a aussi amené à consommer différemment, en mangeant par exemple moins de viande – une option que j’avais d’ailleurs envisagée pour la carte de la Veveyse –, ainsi qu’à faire beaucoup de sport et consacrer du temps à ma famille. Entre-temps, on m’a fait plusieurs propositions, j’ai pris le temps de la réflexion. Et puis un jour, la Veveyse s’est présentée, avec sa belle réputation, un potentiel formidable. Châtel St-Denis, à deux pas, est aussi le lieu où mon épouse Laurence a grandi, ce qui ajoutait l’atout d’un environnement familial. Nous avons signé en 2018, le temps de faire quelques travaux, rafraîchir le tout, pour ouvrir cet été.
La gastronomie vous manquait?
Cette parenthèse m’a permis de réfléchir différemment à mon métier. J’ai envie d’une atmosphère paisible, une cuisine maîtrisée et abordable. Je ne vais pas viser les étoiles et les notes prestigieuses dans les guides. Je ne veux plus me prendre la tête parce qu’on me juge sur une cuisson. Simplement faire bon, tout en restant attentif à la facture pour le client.
(Propos recueillis par Véronique Zbinden)
Enraciné dans la région lémanique, le chef aux origines lyonnaises a investi la cuisine avec ses envies de proximité et de saisonnalité, mais aussi d’échappée belle vers le Sud et sa légèreté. A l’accueil, on retrouve aussi le charme et l’efficacité de son épouse Laurence Dufour.