Soutenue par son ancien maître d’apprentissage, Chu-Yu Aline Wu s’est découvert une passion pour les concours de cuisine qu’elle envisage comme une danse dont il s’agit de maîtriser tous les mouvements.
Lors de l’édition 2014 du Gastro Union Challenge, depuis rebaptisé Challenge Benoît Violier, Dominique Grandjean a aligné une équipe 100% féminine dans le cadre de ce concours par équipe mêlant service et cuisine. Une fierté personnelle pour ce membre de Hotel & Gastro Union qui est chef du centre de subsistance de la caserne de La Poya à Fribourg, et un clin d’œil aussi à tous ceux qui pensent que l’armée est d’abord une affaires d’hommes. Au sein de l’équipe figurait Chu-Yu Aline Wu, alors en deuxième année d’apprentissage de cuisine, et, si le Team Poya n’a au final pas remporté l’épreuve, cette dernière a servi de tremplin à la jeune Fribourgeoise. «C’est à ce moment-là que M. Grandjean m’a proposé de participer, seule, à un concours international à Hong-Kong. Cette perspective m’a d’abord fait peur, puis je me suis lancée à fond dans l’aventure», explique Chu-Yu Aline Wu.
Il faut dire qu’elle avait eu un avant-goût du Hongkong International Culinary Classic l’année précédente, quand elle s’y était rendue en marge d’une visite familiale dans l’ancienne colonie britannique alors que Dominique Grandjean y officiait comme juré. «C’était juste avant que je commence mon apprentissage à la caserne de La Poya. M. Grandjean m’avait dit: "Dans deux ans, tu participeras au concours." Sur le moment, je ne l’avais pas cru, mais c’est effectivement ce qui s’est passé.» Pour sa première participation en 2015, inscrite aux côtés de quelque 1000 cuisiniers en provenance d’une vingtaine de pays, elle décroche deux médailles de bronze pour ses deux plats – l’un à base de barramundi, l’autre de carré d’agneau – qu’elle a apprêtés pour trois personnes en une heure.
Comment a-t-elle vécu l’expérience? «Comme lors du Gastro Union Challenge, j’étais à la fois nerveuse et excitée avant l’épreuve. La grande différence, c’est que je me présentais cette fois seule et non plus entourée d’une équipe. Je me suis rendu compte que la participation à un concours est d’abord un défi lancé à soi-même, pour lequel il faut non seulement se préparer physiquement mais aussi mentalement.» Dans cette optique, le kung-fu qu’elle pratique depuis qu’elle est enfant et le yoga et la course à pied auxquels elle s’adonne régulièrement l’ont aidée. Les arts martiaux, dit-elle, lui ont appris la discipline et l’économie des mouvements, tandis que le yoga et la course à pied lui sont utiles pour la gestion du stress et du souffle. «La participation à un concours s’apparente pour moi à une chorégraphie dont chaque geste compte, et dont il faut enchaîner les mouvements comme s’il s’agissait d’une danse parfaitement maîtrisée.» Et si, de son propre aveu, l’entraînement a nécessité un important investissement en termes de temps et d’énergie, elle n’a pas hésité une seconde avant de s’inscrire pour l’édition 2017 du concours asiatique. Avec à la clé une nouvelle médaille de bronze pour son cou de porc, et une médaille d’argent – à quelques points seulement de l’or – pour son flétan.
Cette performance plus qu’honorable fait bien entendu la fierté de Dominique Grandjean, et souligne l’importance du rôle d’un coaching professionnel dans le cadre de la préparation d’une compétition. Entre Chu-Yu Aline Wu et son maître d’apprentissage, l’entente est en effet parfaite, la motivation de la première étant soutenue par les conseils du second, comme cela avait déjà été le cas lors de la formation inititiale. «Dès le début de mon apprentissage en 2013, j’ai apprécié la démarche pédagogique de M. Grandjean qui nous met en confiance. De plus, l’environnement créé par l’Armée suisse est particulièrement propice à l’apprentissage du métier, les bases étant inculquées de manière très efficaces parallèlement à des stages dans la restauration traditionnelle et auprès d’artisans.»
A l’instar de la jeune Fribourgeoise, les jeunes en formation au sein de l’Armée suisse sont d’ailleurs encouragés à participer à des concours, notamment le Gusto qui est destiné aux apprentis de deuxième et troisième années. Pour Chu-Yu Aline Wu, la mise sur pied d’un dossier est un excellent exercice en vue de l’examen de fin d’apprentissage, tout en permettant de laisser libre court à sa créativité.
A la suite de ses premiers pas concluants dans l’univers des concours, elle envisage de concourir à nouveau dans un avenir proche – sans doute une nouvelle fois en Asie dans le cadre d’une compétition organisée par une association représentant les chefs de cuisine. La preuve qu’elle ne s’est pas trompée de vocation, elle dont les parents ont été restaurateurs à Bulle jusqu’au décès de son père, mais qui avait dans un premier temps voulu se diriger vers le social. «C’est en réfléchissant à la gestion des aliments et en travaillant aussi bien au restaurant familial où j’allais donner un coup de main le week-end et durant les vacances qu’à la maison où j’ai dû me débrouiller aux fourneaux dès l’âge de 10 ans que j’ai compris que ce métier était pour moi. J’aime l’idée de pouvoir contribuer à mon échelle au bien-être des gens, tout en créant des concepts culinaires avec des produits locaux.» Et comme son intérêt pour le métier dépasse le cadre strictement professionnel, elle a naturellement rejoint les rangs de Hotel & Gastro Union au cours de son apprentissage, sensible à l’idée de soutenir une société professionnelle œuvrant pour le bien de la communauté.
(Patrick Claudet)