Le Sushi Zen est installé dans l’enceinte du palace lausannois depuis dix ans. Prétexte à inviter un chef étoilé, imaginer une nouvelle carte, se réinventer.
Battements de tambours japonais devant le vénérable bâtiment du Lausanne Palace. La blancheur d’une tente dressée à la proue de l’édifice et les couleurs vives des demoiselles en kimono venues accueillir les invités et dévoiler le menu de cette soirée anniversaire. Dix ans, dix saveurs et dix jours de festivités.
Le 19 septembre dernier, les convives ont dégusté en avant-première le menu imaginé pour l’occasion par une des stars du répertoire japonais, le Sushi Master Tsutomu Kugota. Le chef du Megu, adresse phare de l’Alpina de Gstaad, est aussi l’unique chef nippon de Suisse auréolé d’un macaron Michelin. Il a été mis à contribution par son collègue Ken Kawakami pour composer une déclinaison de dix plats miniatures aux saveurs pures, jolis comme de petits bijoux afin de marquer l’anniversaire du Sushi Zen – dix ans au Lausanne Palace. Etonnante asperge okaki croustillante, thon épicé kanzuri, tartare de crabe, bar au shiso, St-Jacques aux légumes et sésame, sole au pamplemousse, aubergine marinée, shimeji marinés au yuzu, etc.: ce menu sera proposé aux clients jusqu’à la fin du mois.
Dix ans. En 2007 donc, le paysage urbain ne comptait pas un bar à sushi à tous les coins de rue. Une petite échoppe d’Epalinges faisait alors figure de pionnier et se signalait par la qualité de ses produits. A la tête de la société Covedis, spécialiste des produits de la mer, Daniel Lévy cherchait à se diversifier et lorgnait sur la petite enseigne vaudoise. La société est rachetée: «Nous nous sommes associés avec Ken pour développer le concept et rayonner de Genève à Lugano, explique Daniel Lévy. Un rapprochement naturel, s’agissant du même corps de métier et d’une même aspiration à la qualité.»
Le groupe s’étoffe – devenant dans un premier temps fournisseur du Palace à l’occasion de banquets et événements spéciaux, avant de s’y installer durablement grâce à un partenariat. En 2006, les lieux, entre terrasse et brasseries, sont occupés par une boutique Valentino. « Nous avons fait appel à Esteve Richard, architecte aux idées novatrices, pour concevoir le décor, et ouvert le 3 octobre 2007», se souvient Daniel Lévy. Sous la direction de Ken Kawakami, quatre sushimen japonais concoctent une carte alliant le respect des traditions et une touche de créativité. Il imagine avec Edgard Bovier, chef exécutif du Lausanne Palace, quelquesuns des futurs standards de la maison: le mariage St-Jacquesfoie gras et son coulis de truffes. Ou la bouchée anguille-camembert. «A la curiosité s’est ajouté l’effet de surprise. On est devenus pour certains la salle d’attente du Palace. Un lieu tendance et la touche manquante de la palette des autres restaurants.»
«Au départ, il n’y avait que des Japonais ou presque, se souvient Ken Kawakami. Et puis le goût des sushis est venu aux Européens.» Aujourd’hui, la société a grandi avec le phénomène sushis, ouvrant en 2016 une adresse au boulevard de Grancy. Sushi Zen compte ainsi deux restaurants pour 18 points de vente et le groupe Manor parmi ses clients, «soit l’équivalent de 8,5 millions de sushis par an ou 280 000 plats servis en 10 ans», relève Daniel Lévy.
Pour ce dixième anniversaire, les deux associés ont voulu «offrir des nouveautés à leur clientèle fidèle». A commencer par le menu anniversaire signé Tsutomu Kugota. La carte et la philosophie ne sont pas immuables, d’autant moins que le paysage autour du Lausanne Palace n’a cessé d’évoluer. «Aujourd’hui, les sushis sont devenus d’une grande banalité, pas toujours synonymes de fraîcheur», constate Ken Kawakami. Qui craint que les sushis ne deviennent encore plus populaires, ouvrant la voie à toutes les dérives, du style sushis au nutella. Il en frémit d’horreur.
Les deux associés visent toujours le haut de gamme. Ken Kawakami est notamment intransigeant sur le riz, miroku ou minori espagnol, ou les algues, importées du sud du Japon. «Nous avons élaboré une nouvelle carte, avec de nouveaux produits, souvent bios. Nous sommes limités par la place, mais nous n’avons pas souhaité nous lancer dans les tempuras par exemple, ni faire ce qu’on trouve partout ailleurs.» Tout sera fait sur place, comme jusqu’ici, à l’exception du riz, préparé depuis le début dans le laboratoire des Boveresses. Pour le reste, Ken Kawakami et Daniel Lévy promettent quelques surprises…
(Véronique Zbinden)