Après le Divico rouge en 2013, son petit frère blanc, le Divona, a été présenté cette semaine au Vignoble de l’Etat de Genève.
Les cépages résistants aux maladies présentent une solution de «viticulture durable qui réduit fortement l’utilisation de produits phytosanitaires». Agroscope Changins est à la pointe de cette recherche, mais le principal handicap des nouveaux cépages réside dans leur adaptation au goût du consommateur. Le vigneron bio valaisan Didier Joris nous avait prévenu: celui qui s’appelait encore IRAC 2060 présente les qualités d’arômes de la petite arvine, alliée à la structure du savagnin (païen-heida en Valais). Changins confirme: «Les vins obtenus par ce cépage sont très bien notés, structurés, avec des arômes de fruits exotiques, d’agrumes, et parfois des notes florales et minérales». Agroscope, avec son responsable de la recherche en viticulture, Jean-Laurent Spring, collabore avec des domaines conventionnels et bios en Suisse romande et au Tessin. «Les observations permettront de suivre l’adaptation du Divona aux terroirs et d’affiner les différents types de vinification», dit un communiqué. Pour le Divico, le même problème se pose: certains domaines le proposent en version fruitée, en cuve, d’autres en version pour la garde, avec des tanins plus puissants. Mais déjà ceux des Vaudois Christian Dugon, Blaise Duboux et Rodrigo Banto (Cave de La Côte), du Valaisan Didier Joris ou de Grisoni (Neuchâtel), et la liste n’est pas exhaustive, montrent que la Suisse romande tient là un cépage très intéressant…
Depuis 1996, la création végétale a recours à l’hybridation interspécifiques, soit le mélange d’espèces différentes mais proches, avec des vignes américaines et asiatiques résistantes au mildiou et à l’oïdium. Agroscope a aussi développé une méthodologie permettant la détection précoce des jeunes pousses résistantes à ces champignons. L’IRAC 2060 (Divona) est donc le petit frère de l’IRAC 2091 (Divico), obtenus tous les deux de parents identiques, le gamaret et le broner. Le premier, développé par Changins, à partir du croisement naturel du gamay et du reichensteiner, un raisin allemand blanc, permet à ses descendants de résister à la pourriture grise. Le second, également blanc, qui a des gènes de vitis amurensis russo-chinoise à son origine, a été développé en Allemagne, et offre une bonne résistance au mildiou et à l’oïdium. Seuls un à trois traitements sont requis contre ces champignons au moment de la floraison. Vigoureux à la vigne, le Divona s’adapte à un large éventail de sols et de climats, à condition d’éviter le sec et le chaud. De maturité précoce, ses raisins doivent être protégé contre les oiseaux. Comme le Divico, il dispose d’un bon potentiel de production et sa récolte doit donc être régulée.
La présentation de ce nouveau cépage prometteur a été faite à la Maison du Terroir de Lully, où se trouve la cave du Domaine de l’Etat de Genève. Ces six hectares de vignes permettent de faire des essais. En 2013, le premier Divico genevois avait été présenté, sous le nom de Bastian. Son petit frère — ou petite sœur, puisque baptisé du nom de la divinité celte des sources — prend le même nom de Bastian…blanc. Le vigneron du Domaine de l’Etat de Genève, le Lausannois de souche Thierry Anet, l’a vinifié pour son premier millésime (2017) dans une barrique de 300 litres, de troisième passage, pour que le boisé ne soit pas trop marqué. Le Bastian rouge est également élevé en barriques.
A Genève, le Divico connaît un beau succès, dans le sillage du gamaret, à l’époque, puisqu’un peu plus d’un tiers des surfaces consacrées à ce nouveau cépage multirésistant sont situées dans les parchets du bout du lac. En 2017, le Divico était recensé dans 19 cantons, à hauteur de 30,4 ha, dont 11 ha à Genève, 7 ha dans le canton de Vaud, et un peu moins de 3 ha en Valais et à Neuchâtel. Il pointait au 15e rang des cépages rouges les plus plantés, alors que le trio de tête pinot noir, gamay et merlot représente 77 % de la surface des cépages rouges plantés en Suisse (et le Divico 0,36%!).
(com/pts)