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Eloge de la simplicité à Cossonay

C’est en février que l’ouverture de la Fleur de Sel a marqué pour Carlo Crisci le début d’une nouvelle aventure culinaire. Puis le coronarivus est arrivé, mais la petite entreprise a plutôt bien tenu le choc.

  • Romain Dercile, Carlo Crisci et François Gautier: un trio gagnant. (DR)
  • Propriété de Carlo Crisci et de son épouse Christine, la bâtisse qui héberge le restaurant fait face à une place qui s’est transformée en terrasse à la suite de la pandémie de coronavirus.

La dernière fois qu’on avait eu de ses nouvelles, c’est au moment où il avait annoncé la fermeture du Cerf. Au printemps 2019, il s’était confié au sujet de son parcours, évoquant ses débuts, sa démarche culinaire et surtout son désir de préparer sa succession (voir HGH n° 6/2019). Puis, à mesure que se profilait l’ouverture de la Fleur de Sel, le projet imaginé avec son chef de cuisine Romain Dercile et son chef de salle et chef sommelier François Gautier, l’excitation était montée. Quel virage allait prendre le chef aux deux étoiles, lui qui s’était distingué dès le départ par une cuisine très végétale, à base d’huile d’olive et aux saveurs méridionales? Jusqu’où irait-il dans son souhait de tout simplifier? 

Simplicité et sobriété

La réponse a pris la forme d’une carte courte, dont les prix ont été réduits et qui comprend un menu du jour pour les gourmets pressés. Simple, épurée et précise, plus lisible aussi selon son propre aveu, la cuisine de Carlo Crisci va à l’essentiel. Et si elle ne se limite pas aux produits locaux, elle a renoncé à des ingrédients tels que le foie gras, la Saint-Jacques ou la langoustine, parce que «la simplicité est le nouveau luxe». Côté décor, la Fleur de Sel mise aussi sur la sobriété: les tables en Noyer d’Amérique n’ont pas de nappe, tandis que le nouveau comptoir et le mur cassé pendant les travaux de rénovation ont agrandi la salle en la rendant plus aérée. Cette nouvelle livrée a été plébiscitée par les habitués dès l’ouverture le 11 février dernier, tout comme l’a été la carte allégée, dans laquelle on trouve, entre autres, des orecchiette maison à la Cossonayse, clin d’œil aux  origines italiennes du chef – il est fils d’immigrés de la région de Sarlerne – et à son ancrage local – il s’est installé à Cossonay dès 1982.

 Une fréquentation «bonne» 

L’accueil a été «magique», dit-il. «Les anciens sont presque tous revenus et ils dépensent autant, mais différemment. Quant aux gens du village, ils sont nombreux à avoir poussé la porte pour la première fois, ce qui nous ravit tout particulièrement», lance Carlo Crisci. A l’instar de ses collaborateurs, il est affublé d’un masque, mais son sourire se lit dans le coin de ses yeux. On le rencontre dans le courant de l’été, après un rendez-vous repoussé à cause du semi-
confinement, et il s’installe quelques instants à table avant l’arrivée de l’amuse-bouche (tagliatelles de concombre, gravlax de saumon, ricotta de Cuarnens). 


«Nos assiettes du jour et plats à la carte à l’emporter ont un franc succès» 



Le Covid-19? Une sale affaire, il en convient, mais la fréquentation de la Fleur de Sel est «plutôt bonne». Sans doute que la présence en salle du chef incite les gens à réserver. Depuis qu’il a confié la cuisine à Romain Dercile, tout en restant propriétaire des lieux et impliqué dans la gestion de l’affaire avec sa femme et ses filles, Carlo Crisci prend plaisir à papilloner de table en table. Mais le succès de l’entreprise doit aussi beaucoup au talent du jeune cuisinier d’origine toulousaine, arrivé à Cossonay en 2017, et qui travaille avec une brigade de cinq personnes, contre douze à l’époque du Cerf. 

Passage chez Pierre Gagnaire 

Tandis que se succèdent deux entrées (friole d’encornets, fenouil et shiitaké, consommé aux bourgeons de sapin; œuf parfait, épinards à l’ail, parmesan), on se dit que la simplicité est ici synonyme d’élégance et de précision. Voire même d’espièglerie, quand surgit un os à moelle piqué aux escargots cuisinés au vin jaune et à la roquette, accordé avec un cru de Tenerife. «Le choix de Romain s’est imposé naturellement», poursuit Carlo Crisci, peu avant l’arrivée du plat (pigeon cuit sous azote à 52°C, côtes de bettes, pommes grenailles). Forcément: le chef a fourbi ses armes chez Pierre Gagnaire, à Londres (Lecture Room), où il a souvent vu le chef français débarquer à la veille du lancement d’une nouvelle carte pour y apporter des modifications de dernière minute – «une école formidable», dit-il. Passer de Londres à Cossonay, un choc? «Non. J’ai grandi dans un petit village en Aveyron, et j’ai passé beaucoup de temps dans le jardin et avec les poules de ma grand-mère, avec qui j’ai confectionné ma première recette, un gâteau à la châtaigne.» Le tableau ne serait pas complet sans l’évocation de François Gautier, qui a débuté en 2002 comme chef sommelier, avant de cumuler la fonction de chef de salle – un pilier, lui aussi. 

De son côté, Carlo Crisci reste très impliqué dans l’entreprise. «Je ne vais plus en cuisine mais je participe à l’élaboration de la carte et valide les plats. C’est le rôle d’un chef consultant, comme je l’endosse toujours auprès des cliniques Bois-Cerf et Cecil», glisse le sexagénaire qui n’a rien perdu de sa légendaire bonhommie. La prochaine étape? Le rachat à terme par Romain et François du fonds de commerce pour parachever la succession à la tête de cette belle maison. patrick claudet

(Julien Goumaz)

Davantage d’informations: www.lafleurdesel.ch