Le MOF Didier Aniès remplace Benoît Carcenat pour superviser la formation des étudiants et les restaurants des deux sites.
Les grandes écoles hôtelières de Suisse et du monde évoquent parfois une manière de mercato dans leur course à l’excellence et aux premières places des classements internationaux. Le prestigieux Institut de Glion, qui fait partie du groupe franco-suisse Sommet Education, vient ainsi de remplacer un MOF par un autre MOF.
Reprenons. Au moment où l’on apprenait le départ de Benoît Carcenat, ex-chef de Benoît Violier à Crissier et durant quatre ans chef exécutif de Glion, parti pour une nouvelle vie dans le Pays-d’Enhaut, on découvrait le visage de son successeur, Didier Aniès, orné lui aussi d’un col tricolore.
Ce dernier vient de débarquer en Suisse, officiellement au 29 mars, après deux ans aux commandes d’un grand vaisseau, le Fairmont Hôtel de Monaco où il supervisait une brigade de 110 personnes et l’ensemble de la restauration. Ses premières impressions? Didier Aniès ne connaissait pas la Suisse ou si peu, l’ayant essentiellement traversée pour rejoindre les postes qu’il a occupés dans le Vorarlberg et en Bavière, voici pas mal d’années. «Je suis venu pour la première fois à Glion ce début d’année et j’ai trouvé la Suisse conforme à l’image que j’en avais, en termes de décor et de montagnes, de rigueur et de fiabilité aussi, assez proche du souvenir de mes trois années entre Autriche et Allemagne.»
Mais alors, qui est ce chef quinqua au chic CV? Né dans une famille de vignerons de Carcassonne, Didier Aniès reste très attaché au Sud-Ouest, «région ancrée dans le terroir, la simplicité, le goût des bons produits. J’ai grandi dans les vignes jusqu’à l’âge de dix ans, nous mangions les produits des fermes du lieu, légumes, volailles, etc. La terre donne de belles valeurs, que j’ai essayé de transmettre à mes trois enfants, aujourd’hui âgés de 27, 23 et 19 ans».
A Glion, Benoît Carcenat a notamment créé deux belles adresses dans des sites historiques: le resto gastronomique bien nommé le Bellevue – resto d’application désormais doté de 16 points par le Gault & Millau – et le Fresh, adresse plus jeune au décor pimpant et coloré, axé sur une offre végétale, légère et saine. Didier Aniès aimerait conquérir une étoile pour le premier et améliorer la visibilité du second. «Benoît a imprimé sa touche et sa rigueur aux arts de la table, j’entends ajouter la mienne – en toute humilité – garder ce niveau d’excellence sur tous les sites et leur donner davantage de reconnaissance et de visibilité.» Son ambition sinon? En temps normal, il y a 300 étudiants à Glion, 600 à Bulle pour une centaine de nationalités: «Ils sont nettement moins nombreux sur le campus depuis le Covid, mais je souhaite développer l’ensemble des points de vente, faire en sorte qu’on s’y sente encore mieux, qu’on ait envie de rester.»
Didier Aniès, qui a commencé sa carrière en Allemagne et en Autriche, a ensuite rejoint de belles tables du Sud de la France, telles l’Hôtel Royal Casino Mandelieu-la Napoule, près de Cannes. Ce sera ensuite le Cagnard, un Relais Château de Cagnes-sur-Mer, la Coupole, à Monte-Carlo (pour un premier macaron Michelin) et le Grand Hôtel du Cap Ferrat, où il restera une dizaine d’années. Ce passionné raconte avoir fait tout son parcours professionnel sans voir le temps passer: «Entrer en cuisine à 7h, en sortir à minuit était naturel, le boulot ne m’a jamais semblé être du boulot. Et puis j’ai eu la chance de beaucoup voyager grâce à ma passion.»
Son titre de MOF, c’est «une vitrine, une carte de visite qui m’a valu de commencer à enseigner». En 2000, il décroche le fameux col tricolore: le Lycée hôtelier de Nice le sollicite alors. Il n’a plus cessé depuis d’enseigner, enchaînant des mandats pour l’Ecole supérieure Ferrandi, l’Ecole des Chefs ou encore la Fondation Escoffier. Transmettre le rend heureux: «J’aime partager. Je crois que les grands chefs sont ceux qui partagent: ça permet de progresser, humainement et professionnellement. Il faut être sûr de son sujet, l’avoir expérimenté, c’est sûr. Mais pour moi, enseigner, ce n’est pas juste donner ce qu’on sait faire. C’est comprendre ce que vos élèves attendent de vous. Ils sont tous différents, avec d’autres demandes. Il faut comprendre ce qu’ils cherchent.»
Fabien Fresnel, Chief Operating Officer de Sommet Education, qualifie le double parcours de Didier Aniès «d’unique et inspirant pour nos étudiants». L’intéressé se dit ravi de réunir cuisine et formation en un seul mandat, ce qui est pour lui «la cerise sur le gâteau». Ce modeste, on l’aura compris, ne recherche pas la lumière ni la médiatisation. Sollicité comme juré par Philippe Etchebest pour Masterchef, il l’a fait pour voir, une fois, mais peu pour lui.
(Véronique Zbinden)