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L’art culinaire à la sauce helvétique

Avec ses sept cuisines et deux restaurants, le laboratoire culinaire Apicius permet à Swiss Education Group de former simultanément 98 étudiants. Tout en valorisant le savoir-faire de chefs de cuisine suisses.

Au quatrième étage de l’Apicius, le nouveau laboratoire culinaire de Swiss Education Group, trône l’espace Food Inspired by Franck Giovannini qui se présente comme une «chef’s table» avec vue panoramique. (Images Swiss Education Group)

Lors de sa réélection à la présidence de Hotel & Gastro Union Romandie, ainsi qu’à plusieurs reprises dans ces colonnes, Jean-Claude Bazzi a plaidé en faveur d’une meilleure reconnaissance des cuisinières et cuisiniers helvétiques, souvent éclipsés dans le domaine de la formation par leurs homologues français, en particulier quand ces derniers arborent un col tricolore de Meilleur Ouvrier de France. Sans s’être concerté avec la Société suisse des cuisiniers dont est membre Jean-Claude Bazzi, lequel a notamment travaillé au Lion d’Or à Cologny (GE) et au Restaurant de l’Hôtel de Ville de Crissier (VD), Swiss Education Group (SEG) vient d’inaugurer le laboratoire culinaire Apicius sur son campus du Bouveret (VS). A travers ce projet qui a nécessité un investissement de neuf millions de francs, dont trois rien que pour l’aménagement des sept cuisines et des deux restaurants, SEG entend valoriser le savoir-faire des cuisiniers helvétiques. «La réputation de la Suisse n’est plus à faire en matière de formation hôtelière, notamment grâce à l’EHL. En revanche, la majorité des étudiants étrangers tournent leur regard vers la France quand il s’agit d’art culinaire», relève Florent Rondez, CEO de SEG. La création en 2006 de la Culinary Arts Academy of Switzerland, implantée sur le site de l’école César Ritz Colleges, illustre la volonté de l’opérateur, qui accueille annuellement 6000 étudiants issus de 110 pays, de placer la Suisse sur le devant de la scène, tout comme l’inauguration il y a trois ans de la Mosimann Collection, du nom de l’Officier de l’Ordre de l’Empire britannique Anton Mosimann. Dès cette année, quelque 900 élèves se formeront à l’Apicius, dont les cuisines portent le nom de chefs suisses emblématiques.  

L’une est la première femme à avoir décroché en Suisse une étoile au Guide Michelin, l’autre est non seulement le chef préféré de la reine Elisabeth II mais aussi celui qui a permis au Dorchester de Londres d’obtenir les deux premières étoiles Michelin attribuées à un restaurant d’hôtel hors de France. Irma Dütsch et Anton Mosimann, puisque c’est d’eux qu’il s’agit, se sont retrouvés mi-avril sur le campus du César Ritz Colleges au Bouveret (VS), là où Swiss Education Group (SEG) a inauguré le nouveau laboratoire culinaire Apicius, un bâtiment flambant neuf doté de six niveaux, sept cuisines et deux restaurants, dont la construction pour un montant global de neuf millions de francs s’est déroulée entre mai 2017 et avril 2019. 

La suite de la Mosimann Collection 

L’Apicius? Derrière ce nom à consonance latine se cache un gastronome de l’époque romaine à qui l’on attribue le plus ancien recueil de recettes. Mais c’est aussi un livre, bien entendu rédigé en latin, qui date de 1533, et qui est l’une des pièces les plus emblématiques de la Mosimann Collection qui a élu domicile au bout du lac il y a trois ans déjà. On se rappelle en effet que le chef Anton Mosimann avait décidé de confier son important corpus de livres anciens, sa collection de menus traversant les siècles et ses nombreuses médailles à un musée aménagé tout spécialement, et que Florent Rondez, CEO de SEG, décrit comme la première étape ayant visé à créer une tradition helvétique en matière de formation dans l’art culinaire (lire aussi en page 1).

Une majorité d’étudiantes 

Le jour de l’inauguration officielle, quand on le croise au quatrième étage de l’Apicius où la foule se presse pour déguster les créations des élèves de la Culinary Arts Academy Switzerland et admirer la chef’s table au design audacieux dont le nom rend hommage à Franck Giovannini, partenaire lui aussi du projet, on demande à Anton Mosimann comment il vit, depuis trois ans, loin des pièces qu’il a précieusement accumulées tout au long de sa carrière. Il sourit et reconnaît qu’il est souvent au Bouveret, où, selon Florent Rondez, il a toujours un mot aimable pour tous les étudiants et professeurs qu’il croise. De l’ouvrage Apicius, Anton Mosimann dit qu’il contient l’essence même de sa cuisine: «Les Romains utilisaient des aliments frais, de saison, ils laissaient libre court à leur imagination et prônaient une stricte discipline culinaire. Ce sont les bases de la gastronomie que je pratique depuis toujours», souligne l’Officier de l’Ordre de l’Empire britannique. 

De son côté, Irma Dütsch a semblé particulièrement émue au moment de rendre visite aux étudiants effectuant leur premier jour de formation dans la cuisine portant son nom, au premier étage de l’Apicius. «D’une part, je suis sensible au fait que les étudiants viennent du monde entier – nous avons tant à apprendre des autres. D’autre part, j’aime beaucoup l’idée que ce laboratoire culinaire ultramoderne compte une majorité d’étudiantes», confie celle qui a dirigé le Waldhotel Fletschorn à Saas-Fee avec son mari pendant 30 ans, avant de privilégier l’itinérance gastronomique selon un modèle prémonitoire.

Et Irma Dütsch de se remémorer l’époque pas si lointaine où les établissements refusaient de former les femmes. «Moi qui suis née en Gruyère et qui ne parlais pas un mot d’allemand, j’ai dû m’installer en Suisse alémanique pour faire mon apprentissage!» Un temps dont Anton Mosimann se souvient – il est le premier à avoir formé dès 1975 à Londres des femmes en cuisine –, et qui est par chance révolu grâce à l’évolution des mentalités… et à l’Apicius!

(Patrick Claudet)