Membre d’honneur de Hotel & Gastro Union, le retraité Jean-Claude Siegenthaler a travaillé 30 ans à Bois-Mermet et accompagné plus d’un millier d’apprentis dans le cadre de Gastronomia.
De 1986 à 2016, le Salon Gastronomia qui se tenait dans les halles du Palais de Beaulieu à Lausanne (VD) a été le lieu de rendez-vous de tous les professionnels romands de l’hôtellerie-restauration. Parmi les attractions de la manifestation biennale figurait le concours des apprentis mis sur pied par Hotel & Gastro Union (HGU), à l’occasion duquel les jeunes talents de la cuisine et du service ont pu faire l’étalage de leur savoir-faire devant un jury de profesionnels chevronnés et un public nombreux et enthousiaste. Point commun entre tous les jeunes qui se sont succédé à Beaulieu, qu’ils aient remporté ou non la compétition: ils ont tous croisé sur leur chemin Jean-Claude Siegenthaler, qui a rejoint HGU en 1977 avant d’en être nommé membre d’honneur l’an dernier.
Des débuts du Salon à sa dernière édition en 2016, lorsque s’est tenu le Challenge Benoît Violier présidé par Franck Giovannini et baptisé ainsi en l’honneur de celui qui avait parrainé le Gastro Union Challenge lancé deux années auparavant, Jean-Claude Siegenthaler a œuvré en coulisse au bon fonctionnement du concours. Et si certains apprentis ont pu de prime abord être impressionnés par sa stature imposante – il a pratiqué la lutte dans sa jeunesse –, ils ont vite réalisé que le Jurassien bernois était là avant tout pour les épauler. En l’espace de 30 ans, il a ainsi chaperonné plus d’un millier d’apprentis, toujours à leur écoute, bienveillant et de bon conseil, mais prêt aussi à hausser le ton quand il le fallait. Une présence fidèle qui résume bien l’esprit dans lequel il a pratiqué son métier, et qui esquisse le portrait d’un professionnel soucieux de son prochain.
Quand il décroche en 1980 son CFC de cuisinier, Jean-Claude Siegenthaler travaille à l’établissement pénitentiaire du Bois-Mermet, à Lausanne, depuis sept ans déjà. Il y est entré comme geôlier et s’est occupé principalement de l’entretien et du jardin. Vers la fin des années 1970, il est appelé à faire un remplacement en cuisine et s’y découvre une nouvelle passion. Il faut dire qu’il s’intéresse à la cuisine depuis son plus jeune âge, mais qu’il n’a jusqu’alors jamais eu l’occasion de s’y adonner dans un cadre professionnel. Ce remplacement inopiné est la chance de sa vie, le prétexte à une reconversion professionnelle qu’il réussit avec brio en fréquentant l’Ecole professionnelle de Lausanne. En 1982, il est nommé chef de cuisine de la prison du Bois-Mermet, un poste qu’il occupera jusqu’à son départ à la retraite en 2003 .
Bien avant de participer à l’aventure de Gastronomia, Jean-Claude Siegenthaler apporte la preuve de sa bienveillance: «J’ai toujours respecté les détenus en voyant en eux non pas les malfrats mais les êtres humains qu’ils étaient. Jamais je n’ai porté un jugement sur les raisons qui les avaient conduits en prison, et toujours j’ai apporté mon soutien à ceux qui voulaient s’en sortir.» Son aide, il l’apporte à ceux qui choisissent de travailler à ses côtés en cuisine, et à qui il inculque les bases du métier. C’est ainsi qu’il travaille avec une brigade constituée de huit détenus, avec lesquels il prépare chaque jour 500 repas – matin, midi et soir.
Sa satisfaction? Etre parvenu à transmettre sa passion du métier à certains prisonniers, qui, une fois libérés, ont embrassé la profession. Mais qu’on ne s’y trompe pas: sa vie quotidienne n’a rien eu du long fleuve tranquille, et, souvent, il a été confronté à des situations tendues, qu’il s’agisse de tentatives de suicide face auxquelles il a dû avoir les bons gestes au bon moment, ou de tentatives d’évasion, dont aucune n’a abouti, explique-t-il non sans fierté.
A ses grandes qualités humaines s’ajoute un engagement sans faille pour la profession, qui s’est notamment traduit par une grande implication au sein de HGU. Il y a eu Gastronomia, on l’a dit, mais aussi l’implication durant six ans au sein du comité romand de HGU (quand l’organisation professionnelle s’appelait encore Union Helvetia), et l’occupation pendant 16 ans du poste de caissier de l’Amicale vaudoise des chefs de cuisine.
Lors de la dernière assemblée de HGU Romandie (voir HGH n° 6/19), le retraité a félicité les membres du comité et les collaborateurs du secrétariat romand, tout en redisant son plaisir de collaborer avec eux. Une nouvelle preuve de son humilité, saluée au même titre que son professionnalisme et sa bienveillance par le diplôme de membre d’honneur remis ce jour-là.
(Patrick Claudet)