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Zineb Hattab, un talent singulier en mode végétal

Dans sa première vie, elle était ingénieure en informatique. La jeune cheffe de Kle, à Zurich, éblouit par son cursus et plus encore par sa créativité.

Ouvert en janvier dernier, le Kle est un petit resto de quartier à l’atmsophère poétique et pleine de charme qui a conquis les Zurichois. (Erna Drion)

Ouvrir le 15 janvier 2020, puis devoir fermer au bout de deux mois, pour cause de pandémie. On se dit que ça pourrait difficilement être pire, et pourtant… Pourtant Zineb Hattab s’est fait une place au soleil en un temps record, tout Zurich s’est précipité chez Kle, son petit resto de quartier à l’atmosphère poétique et pleine de charme, et tout Zurich adore désormais son brunch à l’emporter.

Kle? Autrement dit Sauerklee ou oxalis en français. Oui, le petit trèfle sauvage vert tendre au goût acidulé que les enfants adorent mâchouiller. Un logo vert en forme de manifeste discret, car la clientèle ne s’aperçoit pas toujours que le propos est végétarien, végane même. L’essentiel est ailleurs. Mais au fait, qui est la jeune femme aux yeux rieurs sous une cascade de boucles brunes? Son histoire est celle d’une famille d’origine marocaine, ses parents ayant immigré en Espagne, contraints de travailler très tôt, très dur. Ils tiennent une boutique de souvenirs pour les touristes. Zineb, Zizi pour les intimes, grandit à Blanes, sur la Costa Brava, part étudier à Barcelone, devient ingénieure software, fait sa thèse à Londres, revient travailler en Espagne, avant de décrocher un job aux portes de la Suisse, au Liechtenstein.

Se reconnecter à ses origines

«J’avais un bon job, un bon salaire; j’étais amoureuse et je venais de me marier.» Alors pourquoi diable cette passion, cette folie de tout abandonner pour la cuisine? A l’entendre, il y a là une part de quête identitaire, un besoin profond d’expression. «Ce n’est pas parti de quelque chose de rationnel, plutôt d’un sentiment diffus, une envie de joie et de m’exprimer dans mon travail, d’associer les saveurs et les parfums liés à mes origines et à mes voyages. En voyageant, tu perds une part de ton identité, la cuisine te permet de retisser ce lien, te reconnecter à tes origines.»

Au fond, la facilité, ça n’a jamais été son truc, elle a toujours trouvé plus intéressant de se battre. Zineb est alors installée aux portes de la Suisse, où il lui arrive d’aller faire du ski ou des randonnées; elle a entendu parler d’Andreas Caminada. Elle lui demande de faire un stage chez lui. C’est ainsi que tout a commencé: «J’avais 24 ans et l’assurance de retrouver du travail si ça ne marchait pas. Je savais que c’était le moment ou jamais.»

De Caminada aux frères Roca

Après ce premier stage auprès du triple-étoilé grison, la jeune femme enchaîne les expériences dans quelques-unes des cuisines les plus créatives du moment. Nerua à Bilbao, puis Massimo Bottura, l’année de l’Expo et de l’ouverture de son premier Réfectoire, les frères Roca et trois années de suite chez Andreas Caminada, avant de repartir pour New York, chez Dan Barber, au Blue Hill. Zineb passera encore deux ans chez la formidable et multi-récompensée Daniela Soto-Innes: «New York était une folie, une diversité et une explosion culturelle incroyables, mais aussi beaucoup de stress, de mauvaise humeur et de compétition.»

Et le véganisme? Une conversion relativement récente et le résultat de beaucoup de lectures, de recherches et de réflexions sur l’univers de la restauration et de la consommation: «A la veille d’ouvrir un restaurant, on pense aussi davantage en termes d’impact sur l’environnement. Je ne veux pas diaboliser la consommation d’œufs ou de laitages mais proposer d’autres solutions. Et l’idée s’est imposée à moi parce que Zurich n’avait presque rien à offrir aux véganes.» Ce sera donc Kle et son réseau de formidables fournisseurs de proximité (SlowGrow, Hof Narr, Tofu Engel, etc.).

« C’est vrai que c’est plus facile de prendre un steak et de le jeter dans une poêle, ou même de travailler un poisson, relève Zineb. Parce que pour arriver à un effet bluffant avec des légumes, il vous faudra trois fois plus de travail.» Mais n’a-t-elle pas toujours cherché à résoudre des problèmes? «Comme ingénieure, je cherchais des solutions aux problèmes de codage. Dans ma cuisine c’est un peu pareil: je réfléchis à l’équation de la crème vanille parfaite sans œufs ni lait. Et je continue à faire des essais jusqu’à ce que je trouve.»

(Véronique Zbinden)


Davantage d’informations:

www.restaurantkle.com